Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, page 253
14 ASSEMBLEE
nègres, le plus grand nombre courait an devant du mal qu'il voulait empêcher. Les uns songeaient à se rendre indépendans de la France; les autres se soumettaient à la métropole, mais demandaient une garantie pour leur sûreté. L'assemblée constituante s’était montrée sensible aux alarmes de ces derniers. Barnave, au moment même où il suivait, avec le plus d’ardeur, les principes populaires, avait fait éloigner toute discussion qui pouvait compromettre la plus florissante des colonies. Cependant lesnègres semblaient encore dormir du sommeil de l’esclavage; maisles hommes de couleur cherchèrentà profiter des circonstances, pour sortir d’une position abjecte, équivoque, et pour participer.aux droits politiques des colons. Ceux-ci crurent qu’en les leur accordant, ils affaibliraient le préjugé qui accoutumait les nègres à les voir comme des êtres d’une nature supérieure. Ils refusèrent, dansleur orgueilou dansleur politique, de se faire des alliés des hommes de couleur; ils s’en firent de redoutables ennemis. Un mulâtre, qui était en correspondance avec Brissot, fut accusé; parles colons, d’avoir fomenté un soulèvement; ils le firent périr. L'assemblée constituante s’occupa long-temps de leurs querelles, etne satisfitaucun desdeux partis qui se combattaient. Les mulâtres ne tardèrent pas à allumer le feu de la sédition parmiles nègres. Ils croyaient être toujours maîtres de ne porter leurs fureurs dévastatrices que jusqu’à tel ou tel degré. Les nègres employèrent cette dissimulation familière aux peuples sauvages qui nourissent l'espoir d’une grande vengeance. On prétend que des émissaires partirent de France pour aller les exciter ; d’autres disent que l'Angleterre, qui avait, dès long-temps, préparé le désastre d’une colonie dont elle était jalouse, inspira, même parmi nous, les démarches, les discours et les écrits qui devaient amener cette catastrophe. L'Espagne est aussi accusée à cet égard; et, quoiqu’un crime de ce genre répugne aux maximes de ce gouvernement, on est
forcé de convenir que les colons espagnols de Saint-Domingue
se conduisirent avec perfidie, avec inhumanité. Le complot était déjà presque unanime parmi les nègres, et rien ne le trahissait. Ils avaient des chefs, des protecteurs, ils entendirent leur signal; en un instant , les florissantes habitations, qui fournissaient à notre luxe, à notre commerce, sont consumées par les flammes. Les propriétaires sont poursuivis, sont égorgés, la tête de leurs enfans est portée sur des piques, et c'était à l’horrible étendard de cette troupe de cannibales. Le maîire Compatissant est massacré à côté du maître inhumain. Si quelquefois un esclave ose intercéder pour lui, cet esclave partage son sort. El y en eut cependant qui signalèrent leur recounaissance par le plus intrépide dévouement, qui nourrirent, dans des cavernes, ceux qu’ils avaient soustraits à la fureur de