Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
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de l'insurrection n’y siégept, n'y dominent-ils pas? — Quels que soient leurs opinions et leurs sentimens, répond Rœderer, il n’en est aucun qui ne frémisse d’une catastrophe tragique, dont il estimpossible de calculer les suites désastreuses ; ils vous rendront graces de l'avoir évitée. — Puissent-ils se souvenir, dit Louis, que nul sacrifice ne m'a jamais coûté pour empêcher Teffusion du sang! Je me rends à votre avis, j'irai à l’assemblée avec toute ma famille, du moins mes alarmes pour elles seront moins vives. Marie-Antoinette, qu’on a représentée comme indignée de cette résolution, la reçut au contraire avec empressement. Madame Eliabeth, elle seule, s’approcha de Rœderer, et lui dit d’un son de voix très-ému : Répondez-vous, monsieur, des suites du conseil que vous venez de donner au roi; répondez-vous de ses jours ?— Je réponds, madame, de le mener au lieu où il y a le moins de péril pour lui.
On apprit au château, avec une consternation muette, la nouvelle du départ du roi et de sa famille, pour l'assemblée nationale. On leur avait vu donner à cette résolution un si prompt assentiment, que nulle voix ne s’éleva d’abord pour les en détourner. En s’éloignant de ceux qui s’offraient à mouir pour lui, Louis parut éprouver vivement le regret de les abandonner. Le reproche secret qu’il se faisait à cet égard, acheva sans doute de troubler ses esprits; il n’osait plus interroger personne, prévoir aucun événement, ordonner aucune mesure. Nul n’osa lui dire : Et nous, quelle sera nutre destinée ? Oùestnotre refuge? Attendrons-nous, combattrons-nous pour le monarque absent ? Et Louis n’osa pas même y songer ! La reine, pour calmer la douleur de ceux qui l’entouraient , leur dit, d’uh ton affectueux : Nous reviendrons bientôt; et, dans le fond de son cœur, chacun répondait: Non, ils ne reviendront pas au palais de leurs pères.
Ge départ cependant n’était passans danger. La revue avait manifesté par quelle foule ennemie le jardin des Tuileries était occupé. Il fallut priver le château d’une partie de ses défenseurs les plus intrépides, pour les faire servir d’escorte au roi. On choisit un détachement des gardes-suisses et des grenadiers des Filles Saint-Thomas, pour ce court et périlleux trajet. Le jardin retentit de cris épouvantables, quand on vit le roi et sa famille s’avancer vers l'assemblée, à travers une double haie. La mort, la mort ! s’écriaient des hommes féroces qui s’avançaient avec des gestes furieux. L’escorte, en les repoussant, craignait encore d’irriter leur rage. Il y eut un moment Où la foule se porta avec tant de violence, que la mar= che fut arrêtée. Une députation de plusieurs membres de l'assemblée vint au-devant du roi. Rœderer le précède, et demande de faire entrer les gardes nationaux qui ont servi de