Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

LEGISLATIVE. 269

cortége : on objecte à cette proposition qu’elle est inconstitutionnelle. L'amour du peuple, dit un député, nommé Duhem, doit être la seule garde du corps- législatif, Le roi entre enfin; il était suivi de la reine, de madame Elisabeth, de madame royale, de madame de Tourzel, de deux autres dames de la cour, compagnes fidèles de la reine; un grenadier portait le prince royal. Le sentiment du respect pour un si grand malheur, se manifesta d’abord dans les ames les plus farouches, à l'aspect des augustes supplians. Le roi avait repris du calme en entrant dans l'assemblée ; il se plaça à côté du président, et il dit : « Messieurs, je suis venu ici pour prévenir un grand » crime; je me croirai toujours en sûreté avec ma famille, au » milieu des représentars de la nation; jy passerai la jour» née. Sire, répondit Vergniaud, qui présidait alors, l’as» semblée nationale connaît tous ses devoirs; elle regarde » comme un des plus chers le maintien de toutes les autorités » constituées. Elle demeurera ferme à son poste; noussaurons » tous y mourir. »

Cette réponse de Vergniaud annonce que son parti croyait avoir recueilli de l'insurrection tout l'effet qu'il en attendait. Voilà le terme où les girondins voulaient s'arrêter ; comme s’il eût été en leur pouvoir de déchaîner et de calmer à leur gré les fureurs populaires.

La première impression de pitié dura peu. Un député fit l'observation ironique et barbare que l'assemblée ne pouvait délibérer en présence du roi. La constitution fut d’abord invoquée par ceux qui, depuis si long-temps, et sur-tout à ce moment

même conspiraient sa ruine. Louis fut bientôt obligé de descendre du fauteuil qu’il occupait à côté du président. On le plaça, lui et sa famille, dans une loge de journaliste, derrière le bureau. C'est là où il était condamné à dévorer les plus sanglans outragés, dont jamais le cœur d’un homme ait étéabreuvé. Cependant il y jouissait encore de quelque liberté de communication avec ses principaux officiers; sa misère même y fut respectée, jusqu’à ce qu’on entendit le canon tonnant sur le château. Suivons maintenant la marche des insurgés.

Ils avaient eu toute la nuit, pour assurer leurs dispositions, et pour accroître leur masse. Le peuple les suivait; car il les voyait déjà vainqueurs. Déjà ils avaient envoyé plusieurs de leurs compagnons affidés autour du château; mais ils leur avaient prescrit de ne point commencer l'attaque, de répandre seulement la confusion et l’'épouvante. Leurs émissaires erraient dans tous les quartiers, et faisaient circuler des bruits artificieux, puissans sur l'imagination du peuple. L’aube du

jour éclaira deux meurtres qui commencèrent la longue scène de carnage. Quelques partisans de la cour avaient passé une