Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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gloire de présider ce département de Paris, qui avait résisté presque seul aux efforts des factieux : il vivait caché depuis le 10 août. Un avis qu’il a reçu l’inquiète sur sa retraite : il en sort. Sa femme et sa mère octogénaire, Mme d’anville, veulent s'associer à ses nouveaux dangers; mais la route qu’il a prise est déjà connue des assasins qui l’épient ; ils se sont mêlés avec un bataillon de fédérés, qui passe sur la route de Gisors : ils leur ont persuadé de rougir leurs armes du sang du meilleur de leurs concitoyens : sa voiture est arrêtée... Oh dieu! une mère, une épouse ne peuvent les fléchir. C’est dans leurs bras qu’il est frappé.

Au milieu de tant d’horreurs, l'assemblée législative achevait d’expirer. Les députés girondins, croyant soutenir contre la commune de Paris un combat inégal , attendaient, pour punir ses crimes , le moment oùils allaient reparaître dans la convention nationale. Déjà, dans tous les départemens, on élisait les membres de cette nouvelle assemblée. Une réputation de patriotisme qu’on n’avait pas encore eu le temps de décrier, passionnait pour eux les jacobins les plus exaltés des départemens. Ils obtinrent pour leur parti un nombre de nominations qui leur promettait la majorité. Ils comptaient avec impatience tous les jours de délai, jusqu’à la réunion de cette convention nationale. Ils se croyaient, eux et l’état, sauvés, si leurs ennemis les laissaient encore vivre aussi long-temps. Cependant la commune répétait continuellement qu’il fallait porter le ferau sein de l'assemblée législative; elle répétait qu’on n’avait jusqu’à présent frappé que des traîtres obscurs , et qui étaient même devenus incapables de nuire; qu’il fallaitimmoler à côté des jacobins, les royalistes constitutionnels, et réunir dans les mêmes supplices ceux qui n’avaient feint de se diviser que pour mieux tromper le peuple. Ces hommes sanguinaires ne proféraient guères une menace qui ne fût sur-le-champ exécutée. Cependant prêts à commettre ce crime, ils s’arrêtèrent tout-à-coup. Vergniaud fut assez éloquent pour inspirer à l’assemblée la résolution de se défendre si on venait l’attaquer. Rien n’honore plus sa mémoire que les discours qu’il prononcça à cette époque; il y exprima la plus grande horreur contre les assassins, au moment où le fer était levé sur sa tête.

Une circonstance arrêtait d'ailleurs les chefs des factieux. Ils avaient mis une sorte de profusion à payer les différens crimes qu’ils avaient ordonnés. Ils n'avaient plus de salaire à offrir aux assassins; Paris, livré au pillage, ne leur paraïssait pas une ressource possible. Le vol du Garde-Meuble fut résolu par eux. Les diamans de la couronne, beaucoup d’autres richesses existaient encore dans ce dépôt. De tels trésors les mettaient à portée de payer leurs sicaires,