Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

LEGISLATIVE, 303

leur étaient lancés passaient au-dessus de leurs têtes : ils en firent un objet de plaisanterie, et se tinrent inébranlables dans leur position. Les Prussiens lancèrent une quantité innombrable d’obus; il y en eut un qui tombasur un caisson. L'explosion fut terrible, et coûta aux Francais leur plus grande perte. Les Prussiens, par degrés, ne pouvaient plus mettre la même activité dans leur feu, et cependant ils se soutenaient encore. Par-tout le duc de Brunswick trouvait de l’obstacle à faire usage de la supériorité de ses troupes. Cette canonnade dura treize heures, sans produire aucun avantage au roi de Prusse. Le lendemain fut une journée de désolation dans son camp; ce n'était pas un millier de tués ou de blessés, par l’affaire de la veille, qui excitait cette profonde consternation, mais toute cette armée manquait de vivres; elle n’avait pour s’abreuver que des eaux infectes ; elle était livrée aux plus cruelles maladies, et dévorée par les rigueurs de la saison et du climat. Les Prussiens , exténués etmourans, sentaient leur fureur se rallumer à l'aspect des émigrés qu’ils accusaient d’être les auteurs de tous leurs maux. Uu grand conseil de guerre est assemblé: le roi de Prusse y paraît avec abattement ; le ducde Brunswick ne dissimule plus aucun des dangers de sa position. il vient d’apprendre qu'une armée française, aux ordres de Biron et de Custines, se tient prête à agir sur le Rhin; que rien n’est préparé dans le Palatinat, pour repousser son invasion; que le siége de Thionville ne peut plus se continuer; que le corps d'armée autrichienne qui menace la Flandre française, n’a point eu de succès décisifs, et qu’il va être arrêté devant les murs de Lille ; que Dumouriez recoit continuellement de nouveaux renforts ; il conclut qu’il faut traiter avec lui, pour s’assurer la retraite. Le roi de Prusse se range de cet avis. Cette nouvelle retentit cornme un coup de foudre parmi les émigrés, commandés par les deux frères du roi, par les maréchaux de Broglie et de Casties. [ls formaient un corps d’armée séparé : ils supportaient de grandes fatigues, de continuels dégoûts, dans l’espoir d’obtenir enfin la bataille décisive qu’ils appelaient depuis si longtemps. Ils s'entendent proposer une fuite sans combat, une fuite qui les dévoue à la misère, à l’opprobre , à la mort. Le comte d’Artois se rend l'organe de leur désespoir; il vient trouver le roi de Prusse et le duc de Brunswick. Il les supplie d’abjurer cette résolution funeste. On semble l'écouter avecmépris, on ne plaint plus le malheur des émigrés; on ne voit plus que leurimprudence. Eh bien, reprend le comte d'Artois , je vous demande enmon nom, au leur, une dernière grace, c'est de nous laisser à nous seuls les périls d'une nouvelle attaque. Nous nous flattons qu’elle nous ouvrira enfin un passage vers la ville, où des brigands vont peut-être répandre le sang de