Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

134 CONVENTION

Notre armée du Rhin avait éprouvé un grand désastre, Le duc de Brunswick faisait oublier par une campagne savante l'imprudente invasion qui avait obscurci sa gloire militaire. Une armée autrichienne commandée par le général Wurmser agissait de concert avec lui. Les Français OPposäient à quatre-vingt mille hommes de troupes aguerries une armée à peu près égale , et les lignes de Weissembourg et de Lauterbourg , fameuses dès le dernier siècle; mais la discorde agitait leurs chefs. Travaillés de craintes

ersonnelles, quelques-uns d’eux s'étaient déjà formés à a perfidie. Le duc de Brunswick et le général Wurmser méditaient une grande attaque dont il leur était difücile de dissimuler les apprêts. La fortune ou des intelligences particulières leur fournirent l'avantage de trouver le camp français dans une profonde sécurité. Le cri le plus funeste à la valeur, le cri, peut-être trop juste dans cette circonstance : Vous sommes trahis ! se répandit parmi nos soldats. Il irrita la fareur des uns , il servit d’excuse au désespoir des autres. On combattit encore avec acharnement , mais sans ordre. Les ennemis emportaient avec la baïonmette nos retranchemens. C'était avec la valeur francaise que les Français étaient attaqués. Le corps des émigrés ui forrnait, sous Îe AN. prince de Condé, de son fils le duc de Bourbon, ete son petit-fils le duc d’Enghien , l'avant-garde des alliés, combattait comme si les redoutables lignes de Weissembourg et de Lauterbourg eussent été la dernière barrière qui s’opposât à leur entrée triomphante dans leur patrie. La déroute des républicains fut complète; ils abandonnèrent les lignes, une immense artillerie , leurs magasins. Quelques corps seulement eurent l'honneur d’une retraite ; il n’y eut que dispersion pour le reste. La trahison dont ils avaient été victimes fut dévoilée par la fuite de trois généraux qui passèrent à l'ennemi. à

Les alliés, après cette victoire, commirené plusieurs fautes qui leur en firent perdre les fruits. Ils s’exagérèrent le désespoir et la confusion des Français ; ils se flattèrent que la trahison et la terreur combinées allaient leur livrer Strasbourg. Ils s’avancèrent avec de petits corps qui furent battus. Au bruit de la défaite de Weissemboureg , le comité de salut public voulut envoyer vers l’armée vaincue un homme qui inspirât plus d'épouvante que les vainqueurs eux-mêmes. C’était un de ses membres, Saint-Just, jeune homme d’une férocité précoce, d’un fanatisme froid , prononcant avec calme les sentences du crime, proscrivant sans relâche et sans fureur. Il aborda nos guerriers, suivi de ses boufreaux.