Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

142 CONVENTION

Les malheureux , dans ce moment même, semblaient frémir sous le poids de iout ce qu’ils profänaient et redoutaient encore !

Toute la France, hormis les pays révoltés, fut appelée à s’énivrer de ces scandales. On ne rencontrait de toutes parts que des bûchers autour desquels des bandes effrénées dansaient la carmagnole. Le mobilier des églises qui n’offrait rien à la cupidité y était consumé. Les membres de comités révolutionnaires trouvaient à brûler les confessionnaux le même plaisir qu’un brigand à bràler un tribunal. C’étaient eux qui faisaient l'inventaire de l'or et de l'argent qu'on devait porter à la monnaie, et le trésor public ne profita que peu de ces infâmes dépouilles.

L'armée révolutionnaire couvrit toutes nos routes de ruines déplorables. Ses fureurs se portaient jusque sur des autels élévés dans les champs, dont quelques arbres formaient le dôme ; et qui, offrant au voyageur un paisible abri, l'invitaient aussi à un doux recueillement.

Hébert et Chaumette (je ne désigne ce parti que par ces deux hommes, afin d’avoir moins à citer de noms vils et odieux) portaient à-la-fois leurs coups sur deux objets de leur aversion, la religion et les arts. Déjà la chute du trône avait été un signal de destruction pour les pompeux monumens élevés à nos rois. La plus basse inquisition recherchait leurs images dans les maisons des particuliers , et malheur aux imprudens chez lesquels elles étaient encore surprises ? Les arts n’eurent presque plus rien qui les pro tégeât contre ces fureurs dévastatrices , quand les monumens consacrés à la religion farent proscrits aussi-bien que les images des rois et des chevaliers ; aux yeux de la farouche ignorance , il n’y avait plus de tableau dont le sujet ne parüt superstitieux. Souvent les brigands mutilèrent, en les prenant pour des saints, les statues des héros grecs et romains «dont ils avaient pris les noms.

Ge fut la convention elle-même qui commenca la profanation des tombeaux. Ceux de Saint-Denis, où reposaient les rois de France, furent ouverts par un décret. Les ossemens de Louis XII et de Henri IV furent dispersés. Le corps de Turenne apparut comme s’il n'avait recu que les premières empreintes de la mort. Lui seul fut conservé. La fureur d’exhumer fat poussée si loin dans certaines parties de la France, que des barbares enlevèrent de son cercueil le corps de l’aimable Sévigné, déposé dans le château de sa fille.

Le temps manqua à Chaumette et Hébert pour consommer l'anéantissement des chefs-d’œuvre des arts. Quelques hommes mirent du courage à les leur disputer. Leurs nou-