Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

22 INTRODUCTION.

des manifestes de l’impératrice de Russie ; mais des manifestes et des sommes assez considérables distribuées aux princes français, voilà tous les secours dont elle aidait la ligue. Elle répéta la promesse d'envoyer contre la France une armée formidable , long-temps après que les hommes les plus crédules avaient cessé d’y ajouter foi.

Mais la Pologne appelait plus sérieusement son attention. Son orgeuil fut irrité de voir Stanislas- Auguste échapper à sa protection. Elle se hâta de concilier quelques faibles différens qui avaient pu exciter de l’ombrage entre elle et le roi de Prusse. Elle lui promit Thorn , Dantzick, enfin les plus riches provinces de la Pologne. Quand elle se fut entendue avec lui sur tous les points, elle affecta plus que jemais de séparer ses opérations des siennes. D'abord elle se déclara pour les fédérés de Turgowitz; elle rappela à l'Europe qu’elle avait garanti la constitution qui venait d’être détruite. Dès le mois de mai 1793, elle avait déià fait entrer une forte armée sur le territoire de Pologne. Que ne pouvait alors , dans le transport de son indignation et dans l’enthousiasme de sa liberté nouvelle, une nation qui fut fière et belliqueuse, même durant son anarchie ? Mais un lâche comprimait ses efforts, retenait sa vaillance, cherchait à inspirer la sécurité au milieu d’un péril manifeste, n’ordonnait que de fausses mesures , faisait tout avorter à force d’impéritie; et ce lâche, qui leût cru ? c'était Stanislas-Auguste; c'était ce roi même qni avait préparé, pendant plusieurs années, et qui avait accompli au milieu de tant d’acclamations le noble projet d’être le bienfaiteur et le législateur de la Pologne. Aux premières marques de la colère de Catherine IL, il ne s'était plus montré qu'un esclave troublé qui a reconnu la voix sous laquelle il a tremblé toute sa vie. Joseph Poniatowski, neveu du roi, montra en vain un zèle sincère pour son pays. Le roi, du fond de son cabinet, n’ordonnait que des retraites. Les Russes arrivèrent à Varsovie comme au terme d'un voyage paisible, L’implacable Catherine ne put être satisfaite que lorsqu’elle eut comblé le déshonnenr d’un homme qu’elle avait aimé. Elle lui ordonna de se mettre lui-même à la tête des fédérés de Turgowitz. Il obéit. Jean Sans-Terre, ou le dernier des Valois, pour citer des momarques complètement avilis, ne firent rien de plus lâche. Toute la Pologne tomba bientôt sous le double fléau d’un joug militaire et d’un joug étranger. Les nobles qui s'étaient dévoués à la cause du roi et du peuple furent arrêtés, exilés, dispersés. Cependant les fédérés de Turgowitz se flatiaient encore que l'armée russe n’exercerait en Pologne