Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

28 INTRODUCTION.

qu'elle avait exercé à côté des rois et sur les rois eux mêmes. Tandis que de toutes parts l’Europe était embrâsée, il ne s’attacha qu’à maintenir dans le repos, je dirais presque dans le sommeil, une nation d’un courage brillant, et qui a un singulier attrait pour les expéditions lointaines. Il montrait du penchant pour les principes philosophiques, mais il était circonspect dans leur application.

Rien ne lui parut plus dangereux pour la Suède que de jouer un rôle subordonné dans la ligue. D’autres puissances pouvaient se relever de leurs désastres. La perte d’une armée, queiques fonds imprudemment dissipés, exposaient les Suédois à recevoir les lois de la Russie, qui depuis longtemps faisait jouer chez eux les ressorts qui avaient .été funestes à la Pologne. Le duc de Sudermanie n’osa penser à secourir cet état, dont la ruine était pour lui un sujet d'alarme : il craignait d'employer à cette entreprise une noblesse qui eût pu rapporter dans sa patrie l’enthousiasme de la liberté après l'avoir défendue chez ses voisins. Le régent de Suède ne vit pas plutôt le cours d’une sanguinaire anarchie arrêté en France par le 9 thermidor, qu'il s'empressa de renouer un lien politique si long-temps cher et utile à sa patrie. Il fut le premier potentat qui, sans y être forcé par des défaites, reconnut la république française. Il lui envoya un ambassadeur, le baron de Staël. ;

Un même esprit de modération régnait à la cour de Danemarck. Là s’est développé, pendant toute la révolution française, un système de sécurité qui semblait faire insulte aux alarmes des rois. Le despotisme, légalement fondé dans ce pays, y rivalisait par la douceur des formes, par la sagesse des institutions, par l'absence de toute mesure arbitraire, avee ce que les monarchies tempérées ont offert de plus aimable aux peuples. Un bienfait dont celles-ci ont toujours été avares, et qui cause des terreurs même dans les républiques, la liberté de la presse y était maintenue par un despotisme quiale salutaire orgueil de se montrer inaccessible à la crainte, Le Dan marck jouissait de cette tranquillité, pendant que son roi était devenu incapable de s’occuper des soins du gouvernement. Deux hommes assuraient le bonheur de cet état, le prince royal de Danemarck et son sage ministre le baron de Bernstorf, La Suède et le Danemarck furent les seuls états de l'Europe qui traversèrent toute l’époque de révolution franaise sans éprouver ni troubles domestiques ni les fléaux de la guerre. |

Comme les événemens relatifs à la puissance autrichienne rempliront une grande partie de cette histoire, je n’ai point à m'en occuper dans cette introduction. Je passe à l'Espagne,