Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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contre le pouvoir paternel et la fidélité conjugale. On voyait arriver le moment où les divorces seraient dans une exacte proportion avec les mariages. Les enfans naturels avaient été assimilés aux enfans légitimes. Il arriva que, lorsque les lois cessèrent de faire une digue contre le déréglement des mœurs, la religion, qui n’était plus une loi de l’état, fut ju_gée et plus nécessaire et plus sainte. Plusieurs de ceux qui s'étaient joués d’elle dans sa puissance la respectèrent dans son oppression. Ils devinrent, soit par leurs écrits, soit par influence de leurs fonctions, les protecteurs du sacerdoce persécuté. Il y en eut un qui apporta aux autels les pleurs de la pénitence; ce fat Laharpe, l'élève de Voltaire. IL crut avoir acquis, en confessant ses erreurs, le droit de s’indigner contre l'incrédulité de ses maîtres. C’était une opinion ancienne et assez bien confirmée par l’histoire, que l'esprit monarchique et l'esprit du catholicisme sont intimement unis. Les républicains et les royalistes agissaient en conséquence de cette opinion, les uns en imaginant tout ce qui pouvait faire déserter les autels, les autres en les fréquentant. Le peuple des campagnes s’apercevait que le frein qu’on lui avait ôté le privait du plus grand charme de ses peines 5; il regrettait ses anciens plaisirs, et même ses anciennes terreurs. Le paysan, maître du champ de son curé, lui donnait souvent un asile qui compromettait ses jours et sa liberté. ù

Le directeur Laréveillère-Lepaux, en voulant établir le culte de la religion naturelle sous le nom de théophilantropie, avait à braver le souvenir de Robespierre, qui avait été tout à-la-fois le premier fondateur et le plus audacieux sacrilége de cette religion , et qui, tout fumant d'holocaustes humains, avait proclamé Dieu et la loi de l'humanité. Les temples, ouverts par Laréveillère-Lepaux, reçurent toute Ja population que ce même directeur avait exilée des clubs.

Je crois inutile d'étendre ce tableau de mœurs et d'institutions si peu favorables aux progrès du républicanisme. Les ennemis de la France, bien instruits de cet état de choses, ne pouvaient comprendre comment ils étaient vaincus par les soldats d’une nation qui affectionnait si peu ses lois nouvelles et ses magistrats. Les frères de Louis XVI se flattaient encore que leurs partisans feraient mürir en leur faveur tous ces germes du royalisme; mais ils suivaient des directions

articulières. On débitait assez légérement que le comte de Lille affectait de se prêter à quelques idées de royauté constitutionnelle, d’amnistie, et même de composition avec les intérêts des acquéreurs des domaines nationaux; que le comte d'Artois ne parlait que de royauté absolue et de vengeance.