Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

EXECUTIF. 133

à faire proclamer Louis XVIII dans la capitale, Ebloui d’un succès si facile et qui surpassait toutes ses espérances, Lavilleurnois consentait à toutes les conditions qu'avec un scrupule recherché les deux chefs militaires exigeaient : c’étaient des réserves qui n’eussent fait de Louis XVIII qu’un roi constitutionnel. Il y avait cette singulière facilité dans les deux consti. tutions de 1797 et de 1795, qu’en changeant quelques articles dans la première, on y trouvait une république; et quelques articles dans la seconde, on y retrouvait un roi. Quand on eut obtenu des commissaires royaux ce qui suffisait pour _attester leur complot et les intelligences qu’ils s'étaient ménagées, on éclata. Malo les fit trouver à un rendez-vous, cacha un témoin qui devait prendre note de l'entretien, et les livra. Le directoire apprit aux deux conseils la découverte de cette conspiration avec la même solennité qu’on annonce un grand péril. Le public, qui avait frémi au nom de Babœuf, ne s’émut point aux noms peu formidables de Lavilleurnois et de l'abbé Brottier. On se déclara contre la fraude qui avait été employée pour développer leur conspiration. On ne se souvenait plus qu’on avait applaudi à ce même moyen lorsque le ministre de la police (Gochon) en fit usage contre les anarchistes. La pitié, qui eût pu se retrancher dans les termes du mépris pour ces intrigans fanfarons, prit bientôt les signes de l'intérêt le plus vif et le moins déguisé. Le ministre de la justice, Merlin, qui avait recu l'instruction de faire, juger les accusés militairement, soutint une lutte longue et péniblement industrieuse contre le public, et même contre le tribunal de cassation, qui voulait les laisser sous la main des jurés. Enfin un conseil de guerre se déclara maître de la procédure. Cette brusque décision ne préparait point à un. jugement, que les royalistes regardèrent comme un triomphe de leur parti. Le conseil de guerre prononca, le 19 germinal:( 9,avril), que « Brottier, Duverne du Presle, Lavilleurnois et. Poli étaient coupables; mais qu'ayant égard aux circonstances atténuantes, touché sur-tout de la franchise que les prévenus.avaient mise dans leurs aveux, il ne les condamnait qu’à la peine de la réclusion; savoir : Brottier et Duverne pour dix années, Poli pour cinq, Lavilleurnois pour une. » Je ne saissi le directoire, qui parut offensé de la modération de ces peines, m'avait pas dicté lui même cet arrêt au conseil de guerre pour faire cesser enfin le combat qu’il soutenaiït contre, un public prévenu. La clémence qu’un gouvernement n'exerce point par lui-même a toujours l’air d’une victoire qu’on remporte sur lui. ÿ Ce fut sous de tels auspices que les élections de germinal eurent lieu, Jamais la nation ne montra un mouvement