Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

EXECUTIF. 135

des hommes de son parti, avait été arrêté en Italie : on avait saisi ses papiers ; on les avait envoyés au directoire. Plusieurs pièces découvraient l’intelligence du général Picheogru avec les ennemis. Pichegru venait d’être nommé membre du corps-législatif; le directoire l’observa et se tut,

Les séances du conseil des cinq-cents devenaient chaque jour plus orageuses, et celles du conseil des anciens perdaient elles-mêmes de ce calme imposant qui avait protégé plus de quinze mois le repos intérieur de la république. Un des députés s'était étonné de ce que le général Bonaparte, sans consulter le corps-législatif; eût tourné ses armes contre le perfide sénat de Venise. Bonaparte avait répondu avec indignation, et son armée elle-même avait répondu avec un courroux plus passionné. Quelle joie pour le directoire, dans une telle crise, d’avoir à venger le général même, dont la gloire lui était à coup sûr importune !

Quand les passions sont profondément allumées , la plus faible occasion les trahit. Camille-Jourdan, jeune député dont les talens précoces étaient inspirés par une belle ame, mais encore étranger à cette sévère prudence que demandent les assemblées délibérantes , fit un rapport sur les cultes où les sentimens religieux étaient professés avec franchise, mais sans aucune espèce de fanatisme. Il avait parlé de rendre aux habitans des campagnes les cloches qui sonnaient pour eux l'heure de la reconnaissance envers l'Eternel. Ce fut un vrai délire que la fureur qui éclata à cette proposition.

C'était sur les finances que le directoire était le plus aigrement contredit par les deux conseils. On ne se montrait point disposé à lui accorder les fonds de l’année ; on le renvoyait aux grandes ressources de tous les biens nationaux dont il avait encore à disposer ; on lui demandait compte d’une administration confuse et déréglée. Le directoire répondait en faisant le tableau des triomphes de la république.

Mais pourquoi parlé-je encore du directoire c@mme d’une autorité qui aurait réuni les vœux unanimes de ses déposi taires ? La haîne y siégeait. Le sort avait fait quitter cette grande magistrature à l’ami de Carnot, Letourneur de la Manche. Les deux conseils avaient élu pour le remplacer un homme dont le nom toujours considéré avait encore acquis plus de lustre par deux traités de paix qui étaient son ou vrage : c'était Barthélemy , ambassadeur en Suisse. On eût dit que le ciel avait pris plaisir jusque-là à excepter ce seul Français des maux dont il nous faisait subir la longue et sanglante épreuve. Toutes les phases de la révolution l'avaient laissé immobile dans le poste honorable d’un envoyé qui maintient la paix de deux gouvernemens, L’asile de la Suisse