Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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continuellement les renseignemens que donnent les lettres qu’on déchiffre.

» Recevez l'assurance de l'estime distinguée et de mon inviolable attachement.

Signe Morrau ».

Quand cette lettre parut, le général Moreau fut accablé de reproches de tous les partis. Parmi tous ceux que frappait ou qu’indignait le 18 fructidor, il ÿ en avait un grand nombre qui n’avaient jamais soupconné ces trames criminelles, Leur malheur devenait plus insupportable en apprenant que le plus illustre de leurs compagnons, le général Pichegru , avait mérité le sien et entraîné celui de tous. Ils résistèrent le plus qu’ils purent à une telle conviction. Dans les proscritions qui tombent sur tout un parti, on n’a pas assez de son innocence ; on réclame, et souvent on réclame en vain celle de tous les individus qui tenaient à ce parti même, et qui en paraissaient l'ame. Cette lettre ne parut à des hommes aigris qu'un pardon que le général Moreau avait acheté aux dépens de sa gloire et de l’amitié. Ceux-mêmes qui, juges plus paisibles à la lecture de toutes les pièces publiées, ne purent plus douter du crime de Pichegru , sentirent que le général Moreau aurait dû, ou à la patrie de les cacher moins longtemps, ou à l’amitié de les supprimer. :

Le tableau des suites du 18 fructidor sera long, et deviendra à chaque instant plus déplorable, Il faut quitter un moment cette capitale où l'anarchie va renaître par degrés ; il faut aborder sur les plages brûlantes de la Guyane, et par courir les tombeaux de Synaimari.

Quelques-uns des députés qui avaient été arrêtés dans la journée du 18 fructidor, et qui ne furent point compris dans la liste de déportation, avaient été mis en liberté, On fit de sévères recherches pour s'assurer de tous ceux qui avaient été condamnés à cette peine. Le plus grand nombre parvint à s’y soustraire, et put au moins se choisir un exil. Ils se ré, pandirent sur différens points de l’Europe, et souvent ils firent respecter des étrangers qui leur avaient donné un asile, la modération de leurs plaintes et leur constant amour pour leur patrie. L'illustre famille danoise des Bernstorf avait adopté, en quelque sorte, plusieurs des ces proscrits : les députés Portalis, Siméon, Mathieu Dumas, et d’autres encore goûtèrent toujours les douceurs de l’hospitalité offertes par des ames généreuses. D’autres, moinsheureux, qui avaient choisi la Suisse pour asile, en furent chassés par la révolution, qui s’approcha de cette contrée avec un cortége de fléaux. Il y en eut qui ne purent sortir de France, ni même de Paris, et qui se cachèrent : sapplice affreux que de vivre