Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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fers des Français qui se trouvaient à-la-fois proscrits dans leur patrie et livrés à la colère implacable des ennemis de leur patrie. Bonaparte avait exigé, dans le traité de Campo-Formio , que l'Autriche rendît la liberté à Lafayette, Latour-Maubourg et Bureau-de-Puzy. J'ai raconté dans le précis historique de l'assemblée législative l'événement qui les avait forcés à chercher un refuge à l'étranger, et comment les droits des nations et du malheur avaient été violés à leur égard. Le roi de Prusse , Fréderic-Guillaume, les avait gardés comme les premières victimes qui devaient être offertes à la contre-révolution. Quand ses défaites, sa politique et la Pologne l’invitèrent à la paix avec la France , ilne fut point rappelé à la justice envers ces prisonniers ; il les livra à l'Autriche. Un de leurs compagnons, Alexandre Lameth, échappa seul à ce nouveau tourment. Il avait dû sa liberté à l’intercession de sa mère. La prison d'Olmutz, qui déjà renfermait d’autres Français dont j'ai parlé, reçut dans descellules séparées Lafayette, Latour-MaubourgetBureau-dePuzy. L'homme dont le nom était alors le plus considéré, Washington, réclama en vain un compagnon de sa noble entreprise. Le cabinet de Vienne fut sourd à ses prières ; et M. Pitt, qui, jusque dans cette circonstance, asservissait le cabinet de Vienne , résista plusieurs fois dans le parlement à la sommation éloquente que lui faisait le parti de l'opposition , de cesser d’opprimer les amis d’une liberté fondée sur les lois, Un médecin nommé Bolman, secondé de Huger, jeune Américain que la reconnaissance avait attaché à Lafayette, ose entreprendre sa délivrance. Ils errent long-temps autour de la redoutable forteresse. Ils parviennent à séduire quelquesuns des gardes avec l'or qui leur a été confié par de généreux confidens de leur projet. Lafayette s’évade enfin; mais il a été forcé de soutenir une lutte contre une sentinelle qu’il a désarmée. Ses libérateurs et lui se voient si vivement poursuivis, qu’ils prennent des routes séparées. Le jeune Hugerest arrêté. Lafayette, souffrant d’une blessure qu’il a reçue, est arrêté luimême à huit lieues d’'Olmutz. Bolman parvient dans les états du roi de Prusse. Il est reconnu ; il y est livré à l'Autriche. L'amitié vient d’être vaineue ; la tendresse conjugale, la piété filiale , vont tenter , par des efforts plus doux et non moins dévoués, de délivrer Lafayette, de le consoler du moins. Madame de Lafayette est arrivée à Vienne avec ses deux filles. Elles sortent des prisons de France, toute leur ambition est d'entrer dans une prison d'Autriche. Un monarque humain, tel que l'empereur François Il ne put, sans une vive émotion, entendre la prière d’une femme qui réunit tout le courage à toutes les grâces de la vertu. Il refuse cependant la liberté