Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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sentations , fut arrêté et conduit au Temple, où il resta plus de quatre mois. On n’a jamais bien connu les motifs d’une rigueur si contraire au droit des gens.

Nous aurons à suivre les opérations diplomatiques, ou plutôt guerrières du directoire. Je ne dirai qu'un mot de ses opérations financières. Il s’était plaint avec amertume des entraves que les deux conseils, avant le 18 fructidor , avaient opposées à ses plans de finances ; il les fit connaitre dans toute leur étendue, il décréta sa banqueroute. La dette publique fut réduite des deux tiers. Il n’y a point d'exemple d’un discrédit égal à celui où tomba le directoire après cette mesure.

Une grande terreur se répandit dans la France lorsqu'on vit discuter au conseil des cinq-cents un projet qui tendait à expulser du territoire français la plus grande partie des nobles. Il fut rejeté : le député Serres le combattit avec talent, avec courage. On se borna à prononcer contre les nobles une déchéance civique , que le 18 brumaire abolit.

Les deux conseils prenaient rarement l'initiative sur les lois; leur extrême docilité aux vues du directoire avait quelque chose d’incompatible avec les préjugés républicains : si l'esprit révolutionnaire ne se montrait plus dans les séances des législateurs, il vivait encore dans les lois. Toutes celles qui furent rendues jusqu’au renouvellement de la représentation nationale portaient le caractère de la défiance pour des classes entières de citoyens. La grande faute politique du directoire et de ses partisans me paraît avoir été de généraliser toujours les délits. Un royaliste ou un jacobin ne pouvait commettre une imprudence que tout son parti n’en fût accusé, et n’en portât une peine plus ou moins rigoureuse. Ceux des républicains qui se montraient moins dociles au directoire , et que l'excès de sa puissance alarmait pour la liberté, attendaient les nouvelles élections de germinal pour éclater ; et, de son côté, le directoire préparait contre eux un coup d'état semblable au 18 fructidor, aux proscriptions près. Dans une situation de partis aussi inquiète et aussi confuse , la capitale avait interrompu tous les jeux et les plaisirs sous l’auspice desquels s'était annoncé le règne de la constitution. On mettait tant de soin à paraître un citoyen paisible, qu’à peine paraissait-on citoyen. On n’osait rien blâmer ; toute la franchise consistait à s’abstenir de louer. De temps en temps le directoire montrait l'appareil des supplices , et sur-tout lorsque les royalistes lui avaient donné quelque ombrage. Des commissions militaires condamnaient à mort quelques émigrés qui n'avaient point obéi à l’article de la loi du 19 fructidor, qui leur