Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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fixait un délai pour sortir du territoire de la république. Le brigandage recommencait à infester la France :les chouans essayaient leurs forces par des vols et des assassinats ; les deniers du trésor public étaient enlevés sur plusieurs routes.

Cependant une joie vive , un espoir vague ; mais qu'on cherchait à conserver, enfin ce qui Caractérise le sentiment national , éclata à Paris lorsqu'on y annonça l’arrivée de Bonaparte. Mo 42) Pa

Tout ce qu'il y avait d’opprimés en France {et je viens de montrer combien le 18 fructidor en avait augmenté le nombre) avait hâté de ses vœux le retour de Bonaparte; depuis long-temps chacun portait dans son ame quelque pressentiment des destinées du conquérant de l'Italie. Ceux qui n'avaient encore éprouvé que des rigueurs de la république voyaient en lui un libérateur ; tous brûlaient de saluer celui qui avait porté si haut la gloire de la nation.

Il y a un plaisir qu'on goûte en France plus que dans tout autre pays; c’est celui d’humilier la puissance en Jui opposant la gloire. Le directoire préparait une fête à Bonaparte. Le peuple jouissait d'avance du plaisir de dire à cinq magistrats sans renommée et sans popularité : Voilà un grand homme!

Le 20 frimaire (ro décembre} avait été choisi pour la présentation de Bonaparte au Luxembourg. On eut un de ces beaux jours dont la douceur est mieux sentie durant l'hiver.

Les directeurs avaient éloigné tout ce qui aurait décelé en eux l'inquiétude et la jalousie dont il est vraisemblable

u’ils étaient agités. Pour satisfaire à un immense concours É spectateurs, ils avaient voulu tenir l'audience , non dans l'enceinte de leur palais, mais dans la vaste cour du Luxembourg. Un autel de la patrie y était dressé : les trophées de l’armée d'Italie le décoraient ; c'était un luxe de gloire. Le directoire avait envoyé au-devant de Bonaparte une garde d'honneur; le guerrier l’avait refusée, et s'était avancé accompagné seulement de son aide-de-camp Marmont. Quels transports ! Quelles acclamations sur son passage ! La capitale n'avait point goûté une ivresse plus pure depuis le 14 juillet 17990. Bonaparte arrive au Luxembourg : il passe sous une voûte furmée de drapeaux qu’il a conquis, el voit rangés sur un ampbhithéâtre tous les principaux magistrats de la république. On se lève à son aspect, les cris de joie et d’admiration s’élancent.

Le ministre des relations extérieures, Talleyrand-Périgord, présente Bonaparte au directoire. Il y eut dans l'assemblée un de ces mouvemens subits où tous les yeux s'interrogent,