Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

150 DIRECTOIRE

où toutes les ames veulent se deviner, lorsque Talleyrand prononca ces paroles mémorables, dont les événemens ultérieurs ont développé le sens profond.

« Ah! loin de redouter ce qu’on voudrait appeler son

ambition, je sens qu'il nous faudra peut-être le solliciter » un jour pour l’arracher aux douceurs de sa studieuse re traite, La France entière sera libre : peut-être lui ne le » sera jamais. »

De telle paroles avaient encore redoublé lPimpatience d’entendre Bonaparte. Voici son discours, antérieur de dix-huit mois au 18 brumaire. Je ne sais si c’est la raison ou l’imagination qui m'y fait découvrir un sens précurseur de cette journée.

1

» Gitoyexs Directeurs,

» Le peuple francais, pour. être libre, avait les rois à combattre,

» Pour obtenir une constitution fondée sur la raison, il avait dix-huit siècles de préjugés à vaincre.

» La constitution de l'an lil, et vous, avez triomphé de tous ces obstacles. ‘

» La féodalité et le royalisme ont successivement, depuis vingt siècles, gouverné l’Europe; mais de la paix que vous venez de conclure date l’ère des gouvernemens représentatifs.

» Vous êtes parvenus à orgauiser la grande nation, dont le vaste territoire n’est circonscrit que parce que la nature en à posé elle-même les limites.

» Vous avez fait plus :

» Lesdeux plus belles parties de l'Europe, jadis si célèbres par les arts, les sciences et les grands hommes dont elles furent le berceau, voient, avec les plus grandes espérances, le génie de la liberté sortir des tombeaux de leurs ancêtres.

» Ge sont deux piédestaux sur lesquels les destinées vont placer deux puissantes nations.

» J'ai l'honneur de vous remettre le traité signé à CampoFormio , et ratifié par sa majesté l'empereur.

» La paix assure la liberté, la prospérité et la gloire de la république.

» Lorsque le bonheur du peuple français sera assis sur les meilleures lois organiques, l'Europe entière deviendra libre. »

Barras présidait le directoire ; il répondit à Bonaparte ; il parla, avec beaucoup d’éténdue et de chaleur, d’un événement sur lequel celui-ci avait gardé le silence, le 18 fructidor. IL célébra les exploits du général et de l’armée d'Italie avec ce faste de mots mal assortis qui régnait encore dans l’éloquence du jour. Toute la politique du directoire , et ses