Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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petit territoire. La faiblesse de leur système fédératif se fit sentir par l’espèce d'isolement où se placaient, dans un danger commun, ces tribus belliquenses. Le canton de Schwytz eut à soutenir le principal effort des Francais. Sa petite armée était commandée par Aloys-Reding, qui montra beaucoup d’intrépidité et des connaissances militaires. Ses combinaisons furent quelquefois dérangées par des moines qui avaient voulu se mettre à la tête des compagnies, et qui, soit par trahison, soit par lâcheté rendirent les postes qui leur étaient confiés. On ne vit jamais mieux que dans cette guerre la puissance des souvenirs chez un peuple qui a conservé avec un respect religieux ses glorieuses traditions. Les Suisses firent des prodiges de bravoure dans tous les lieux où leur liberté avait été défendue au quatorzième siècle. Quand ils apprirent que les Français s’étaient rendus maîtres du défilé du Kusnach , où Guillaume Tell, rencontrant le tyran Gesler , le perça de sa flèche, rien ne eur coûta pour se remettre en possession de ce lieu sacré. La plaine de Morgarten leur rappelait également une des plus importantes victoires que leurs ancêtres eussent remportées sur les Autrichiens. Ils s’y défendirent contre la bravoure et la tactique des Francais avec un dévouement héroïque , et surent conserver, jusque dans leurs mouvemens les plus impétueux, un ordre qui excita l’admiration de leurs ennemis. ,

Cependant après de nombreuses actions, ils avaient perdu successivement la plupart des postes qui dominent leur contrée. Comme ils avaient fait usage de toutes leurs forces, ils n'avaient plus de braves à appeler pour remplacer les braves qui étaient morts au champ d'honneur. Ils n’espéraient plus la victoire, mais ils étaient toujours avides d’une belle mort. Dans ces circonstances, le général Schauembourg leur fit offrir une capitulation qui ménageait leur fierté. Ils se réunirent dans la ville de Schwytz, encore libre, pour délibérer sur ces propositions. Tous les chefs militaires sentaient la nécessité de se soumettre ; nul d’eux n’osait en donner le conseil. Le premier qui fut appelé à donner son avis ne prononcça que ces paroles : Mourons de la mort glorieuse de nos aïeux. Un autre proposa de ne se rendre que lorsque les deux tiers des habitans du canton seraient morts les armes à la main. L'assemblée était toute prête à rendre ce décret héroïque. Elle l’eût rendu avec la même simplicité qu’un décret sur les intérêts les plus simples et les plus familiers du canton, lorsqu'un prêtre, ami de la patrie, ami de l'humanité , osa développer lavis de se soumettre. Le projet de capitulation fut enfin adopté. Les autres cantons ÿ acquiescèrent.