Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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Le directoire ne fut point ému de cette touchante et noble prière. Un terme de quinze jours fut imposé aux cantons démocratiques pour accepter la nonvelle constitution. Ils s’y refusèrent en annonçant une résistance désespérée : » Qu'il meure, s'écrièrent-ils , qu'il meure celui qui esera « parmi nous faire l'éloge de la constitution helvétique ».t Bientôt cette imprécation fut rédigée en loi. Les deux mobiles les plus puissans du courage les transportaient, la liberté et la religion. Ces cantons sont catholiques , et leur zèle ardent pour un eulte dont les solennités et les traditions se lient à tous les plaisirs simples que leur pauvreté leur permet de goûter , les avait quelquefois entraînés à des guerres cruclles contre le canton de Zurich, qui fut le berceau du protestantisme. On leur avait peint les républicains françcais comme d’audacieux sacriléges. Ils croyaient avoir à défendre contre eux les plus chers objets de leur vénération et de leur amour, Ils se regardaient comme invincibles sur des montagnes toutes couvertes des trophées de leurs aïeux et des croix qu'ils y avaient plantées. Ils répétaient leurs chants et leur histoire , qui ne semblaient offrir à leur imagination exaltée que des événemens de la veille. C'était dans de telles dispositions qu’ils attendaient les vainqueurs de l'Europe. Dans leur impatience, ils commencèrent les hostilités, et fondirent sur la ville de Lucerne , qui avait accepté la constitution. Ils sen emparèrent en vertu d’une capitulation. En entrant dans Lucerne, cette troupe entendit sonner la messe dans une église. Elle y court avec transport ;elle brûle de rendre grâces à Dieu des succès qu’elle vient d'obtenir. L'église peut à peine les contenir tous. Dans ce mouvement religieux , les Suisses ayaient tellement négligé les plus simples précautions , qu’il eût dépendu, diton, de vingt hommes de les enfermer dans l'église , et de les exterminer ensuite. Ils en sortent, et, qui le croirait ? leur première pensée est de se livrer au pillage. Un capucin fanatique les y excitait , et leur disait , pour lever leurs scrupules, que la loi de Dieu est plus sainte qu’une eapitulation. Cette milice effrénée est interrompue dans ce désordre par la nouvelle que les Français , vainqueurs sur d’autres points , s'apprêtent à les investir. Ils se retirent sur leurs montagnes , et là , toute idée de brigandage s’efface, tout sentiment d’héroïsme s’exalte.

Je n’entreprendrai point de raconter les différens combats qu’ils eurent à soutenir contre l'armée française, qui était commandée par le général Schauembourg. Ce qui s’opposa le plus au succès de leur glorieuse résistance, ce fut le soin que chaque canton prit de défendre séparément son