Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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tre, rien n’était plus dangereux que d'enlever au peuple cisal.pia le prestige d’une liberté qui pouvait seule l'attacher aux Français. Joubert et Fouché s’épuisèrent en représentations qui ne furent pointentendues. La destitution de l’unet de l’autre était déjà signée par le directoire , lorsque , partis secrètement de Milan pour Turin, ils signifiaient au roi de Sardaigne l’ordze de quitter sa capitale et de renoncer au Piémont. Charles-Amédée ne régnait que depuis le traité de paix par lequel son père avait abandonné aux Français les principales forteresses des ses états. Etait-ce là régner ? Il avait été vivement excité à sortir de cette situation dépendante par Yempereur de Russie et par le roi de Naples. On avait répandu dans tout le Piémont des copies d’une lettre que le prince Pignatelli avait écrite au comte Priven, ministre du roi en Piémont; on y lisait ce passage :

« Les Napolitains, commandés par le général Mack, sonne» ront les premiers la mort sur l'ennemi commun, et du som» met du Capitole nous annoncerons à l’Europe que l'heure » du réveil est arrivée; alors, infortunés Piémontais, agi» tez vos chaînes pour en frapper vos oppresseurs. »

Charles- Emmanuel avait ordonné une levée d’hommes assez considérable dans ses états. Il s’en excusait auprès du directoire , en prétextant les inquiétudes que lui donnait l’ambition des républiques cisalpine et ligurienne. C’était de ce dernier nom qu’on appelait la république de Gênes. Le mouvement qui s'était déclaré à-la-fois contre presque tous les gouvernemens aristocratiques de l'Europe avait eu lieu aussi dans cette ville. Au mois d’août 17097, lorsque Bonaparte négociait le traité de Campo-Formio, une insurrection avait éclaté dans Gênes. Favorisée par les Français , elle avait obtenu un succès facile. Un gouvernement qu’on nommait populaire subordonnaïit aux lois de la France un territoire qui lui était si nécessaire, et qui fit deux fois le salut de nos armées en Italie. Ce gouvernement était entré, en effet, dans quelques hostilités contre le roi de Sardaigne ; mais la prise d'armes qui avait été ordonnée dans le Piémont annoncait un but plus vaste que celui de se défendre contre les faibles entreprises des Liguriens. Le directoire vit dans le rui de Sardaigne un allié du roi de Naples. Il leur déclara la guerre à tous deux en même temps. Mais déjà le cri de liberté se faisait entendre à Turin ; la noblesse et l’armée s’unissaient pour chasser du trône un prince qui n’avait eu ni assez de vigilance pour prévoir ce mouvement, ni assez d'autorité pour l'empêcher. Le palais était livré au général Joubert. Le roi le vit entrer avec étonnement; il subit ses lois avec rési=