Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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partirent à dix heures du soir, le 8 floréal (28 avril}. La nuit était très-sombre ; on portait des torches devant leur voiture, Quand ils se présentèrent à la porte de la ville, on fit beaucoup de difficultés de les laisser sortir. Une heure se passa en pourparlers. La consigne fut levée. Ils demandèrent une escorte qu'on s’obstina à leur refuser , en leur disant qu’ils seraient aussi en sûreté que dans leurs chambres. Ils n'étaient pas à cent pas de Rastadt, qu’un détachement de hussards Szecklers fond sur le cortége , fait descendre de la première voiture le ministre Jean-Debry. Six hommes le fouillent, lui enlèvent ses papiers. Deux coups de sabre l’étendent par terre. On le roule dans un fossé. 1! a la présence d’esprit de ne donner aucun signe de vie. Bonnier est tué de la même manière que devait l'être JeanDebry ; Roberjeot est égorgé presque dans les bras de son épouse , qui fait de longs et vains efforts pour le défendre des coups des assassins. On ne pille dans les voitures que les papiers de la légation, et les assassins se dispersent en abandonnant leurs victimes sur la route. Cette scène d’horreur est enfin apprise à Rastadt. On frémit, on voudrait douter , on vole au secours de toutes les personnes de la légation. Le lendemain, Jean-Debry , qui pendant le tumulte de cette horrible scène avait pu se traîner jusqu’à un bois, et qui y avait passé la nuit, arrive à Rastadt tout couvert de blessures, et se présente chez le ministre prussien comte de Goërtz.

Huit ans se sont écoulés depuis que l’Europe a retenti de ce crime, qui lui fit craindre un moment que le droit des gens, dont elle se glorifie ne fut à jamais rompu. Il est dans le cœur humain de s'indigner plus fortement des forfaits dont on ne peut trouver la source dans aucune passion. Le temps n’a point encore dénoncé ceux qui commandèrent un tel attentat, et l’imagination ne concevra jamais leurs motifs. D’après la relation la plus impartiale et la plus authentique qui ait été donnée de cet événement , et que nous nous faisons un devoir de transcrire ici en note {1},

{1) Procès-verbal des ministres plénipotentiaires à Rastadt, sur les événemens des 9 et 10 floréal an 7 (28et 29avril1799).

Le plénipotentiaire impérial, étant appelé de Rastadt , et ayant quitté cette ville le 23 du mois dernier, la députation de l'empire déclara , dans sa séance du 13, qu’elle était suspendue, et notifia à la légation française les motifs de cette déclaration, Les ministres de France déclarèrent aussi, le 23 , qu'ils allaient se retirer sous trois jours.

L’officier impérial remit aux ministres français une lettre. M. de Dohm est le seul qui l'ait vue par hasard ; il garantit qu’elle contenait à peu près Les lignes suivantes :