Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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va presque heureux qu’une si triste occasion lui fournit un rétexte de quitter une armée à laquelle il était devenu odieux. ÎLen remit le commandement au général Moreau , et partit our Milan. Son arrivée inattendue dans cette ville fut considérée comme une fuite; et tous ceux qui avaient donné quelques gages de leur attachement aux Francais entendirent ce signal. Les plus déterminés de ces républicains imitèrent ceux dont ils avaient condamné la pusillanimité , lorsqu'ils apprirent que le général Moreau , qui s’était retranché sur le HautAdda, avait été forcé dans toutes ses positions par l’armée de Suwarow. Les Français avaient été accablés dans la bataille de Cassano par la supériorité des forces qu’ils eurent à combattre. Tous les postes que Moreau avait jugés susceptibles d’une longue défense cédèrent à l’impétuosité des Russes et des Autrichiens. Le pont de Cassano , qu'il avait fait fortifier et garnir d'artillerie , fut emporté par le général Mélas avec une telle vivacité , que les Français, en se retirant, n’eurent pas le temps de le brûler. Ce qu’il y eut de plus fatal dans cette journée , c'est que la division Serrurier , qui, au commencement de l’action, s'était portée sur le flanc droit des Autrichiens, etavaitmenacéde lesculbuter dans l'Adda , surprise par une nouvelle division de l’armée austro-russe , et isolée de tous les corps qui marchaient pour la secourir , fut réduite *à capituler. L'armée française , après avoir perdu quatre généraux , cent pièces de canon, trois mille hommes laissés sur le champ de bataille, beaucoup de blessés et près de quatre mille prisonniers , avait achevé sa retraite pendant la nuit audelà de Milan et du Tésin.

Qu'on juge de la situation des Français en Italie après cette sanglante défaite ! Vingt mille hommes restaient à peine au général Moreau , dont la retraite était, d’un côté, embarrassée par une multitude de familles cisalpines qui fuyaient dans le plus grand désordre, et de l’autre, continuellement harcelée par des masses de paysans révoltés. L'espoir qui Jui restait était de gagner la ligne du Pô, pour couvrir àla-fois le Piémont et la Ligurie. Il s'était déterminé à se retrancher entre Tortone et Alexandrie, et à y attendre l'armée de Naples. Suwarow le laissa atteindre une position si désirée. L'activité de ce nouveau conquérant de l'Italie était donc bien inférieure à celle du général français, qui; deux ans auparavant, n'avait jamais remporté une victoire dans ces contrées sans anéantir les derniers débris de l'armée qu'il avait eu à combattre. On reprocha à Schérer et à Moreau de s'être trop affaiblis en jetant des garnisons dans un grand nombre de places qu'ils pouvaient abandonner. Cette faute, si c’en fut une, fut couverte Par celle