Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

EXECUTIF. 213

résistèrent à plusieurs assauts, et le courage le plus héroïque ne put suppléer à quelques pièces d'artillerie qui manquaient. Parmi plusieurs braves qui trouvèrent la mort sous les murailles d’Acre, et jusque dans l’enceinte de cette place, où leur courage les avait fait entrer, l'armée regretta vivement deux des militaires les plus distingués qui se fussent formés à l’école de Bonaparte : c’étaient le chef de brigade Caffarelli , et le chef de bataillon du génie de Say. Tandis que le siége se pressait, Bonaparte reçut un avis certain que les Turcs préparaient une expédition contre les côtes de l'Egypte , et que les Anglais se tenaient prêts à les seconder. Le général Desaix, qui poursuivait dans la Haute- Egypte le cours de ses victoires, ne pouvait protéger les côtes menacées. Bonaparte crut devoir s’y porter Jui-même avec l'armée de dix mille hommes qui venait d’ébranler l'Asie. Le premier prairial (20 mai), le siége de Saint-Jean-d’Acre est levé après 60 jours de tranchée ouverte. L'armée , qui avait trouvé la peste répandue dans toute la Syrie, repasse le désert qui sépare l'Afrique de l'Asie. Bonaparte n’avait plus rien à craindre des armées asiatiques qu’il avait dissoutes, et dont la terreur retenait les débris à une longue distance. Mais les Arabes, dont le brigandage et la férocité venaient d’être exaltés par des prophètes imposteurs , menaçaient de toutes parts une armée dont la marche était ralentie par les malades et les blessés qu’elle traînait à sa suite. Ce que fit Bonaparte durant cette longue et périlleuse course dans le désert offre différens traits plus étonnans que ses exploits, et fait douter si la fortune l’a jamais mieux inspiré que la nécessité la plus dure. Il faut le voir, dans la relation du général Berthier et de Denon, s'exercer contre le plus terrible des fléaux. Les ressources d’une haute civilisation ne peuvent être mieux attestées que par les soins qui furent pris contre la peste. Elle s'était manifestée dans l’armée par des symptômes certains. Les malades n’étaient point encore en grand nombre, mais la crainte était extrême. Des précautions salutaires, des procédés savans furent employés pour arrêter les progrès du mal. Le dévouement du général et de plusieurs médecins de son armée eurent encore un effet plus puissant sur l'imagination des soldats que les soins les mieux dirigés. Qui ne connaît ce trait héroïque et paternel que le génie des arts a rendu si national parmi nous? Bonaparte entre à Giaffa dans un hôpital de pestiférés , les touche, et s’expose à la mort pour dissiper leurs craintes. Le médecin en chef de l'armée , Des Genettes , ose, en présence des soldats pestiférés, et pour calmer leur imagination, s’inoculer