Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

APPENDICE. 245

» consul, soyez bien assuré que le sénat vous parle ici au » nom de tous les citoyens; tous vous admirent et vous ai» ment; mais il n’en est aucun qui ne songe souvent, avec » anxiété, à ce que deviendrait le vaisseau de la république, s’il avait le malheur de perdre son pilote avant d’avoir été , £xé sur des ancres inébranlables. Dans les villes, dans les » campagnes, Si VOUS pouviez interroger tous les Français, l’un » après l’autre, il n’y en a aucun qui ne vous dît , ainsi que 5 nous : Grand homme! achevez votre ouvrage, en le ren » dant immortel comme votre gloire ! vous nous avez tiré du » chaos du passé, vous nous faites bénir les bienfaits du pré» sent;garantissez nous l'avenir. » Tout cela était assez clair; le grand homme feignit de ne pas comprendre ce qu'il avait lui-même dicté et invita le sénat à lui faire connaître sa pensée toute entière. À cette invitation le sénat répondit par un auire message dont l’objet était d'offrir à Bonaparte la couronne impériale. Cette offre ayant été acceptée, on dressa une nou velle constitution; le r42e article, ainsi conçu, devait être présenté à l'acceptation du peuple : « Le peuple veut l'hérédité de » la dignité impériale dans la descendance directe, naturelle, » légitime et adoptive de Napoléon Bonaparte, et dans la » descendance naturelle et légitime de Joseph Bonaparte et » de Louis Bonaparte. » Âu milieu de cette farce diplomatique, Pichegru meurt étranglé dans sa prison, et l'opinion générale repousse l’idée d’un suicide. Moreau, toujours captif se voyait menacé de l’'échafaud. L’amour des citoyens veillait sur lui; des rassemblemens dangereux se formaient autour du palais : l'illustre accusé dédaigna de devoir son salut à une insurrection qui n’était peut-être pas impossible. Enfin le tribunal, qui voyait dans cette cause importante une affaire politique plutôt qu'une affaire judiciaire, prononça l'arrêt que l’on attendait avec tant d’impatience. Cadoudal et plusieurs de ses complices furent condamnés à perdre la tête ; Moreau que l’on n’osait acquitter fut condamné à deux ans d’emprisonnement. Le nouvel empereur pensa qu'il était à propos de se montrer clément, et par commutation de peine, il exila le général, en Amérique, et le fit partir nur pour cette contrée lointaine. Le camp de Boulogne, l'activité qui y régnait, la brillante distribution qu’y alla faire Bona-. parte de la décoration de la légion-d’honneur ; l'institution vraiment grande des prix décennaux ; l’arrivée du pape pour sacrer l’empereur, vinrent successivement distraire la France de l'affaire de Moreau.

Le résultat des votes du peuple et de l’armée fut publié avec tout le charlatanisme diplomatique ; le peuple français se trouva représenté par environ trois millions de votans.

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