Rapport sur les Dommages de Guerre causés à la Serbie et au Monténégro présenté à la Commission des Réparations des Dommages

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Dans cette guerre sans précédent dont le front s'étendait sur plusieurs milliers de kilomètres, les théâtres d'opérations ont été très nombreux. Sur la plupart d’entre eux les opérations ont été conduites, simultanément ou successivement, par des forces appartenant à deux, à trois et même à tous les Etats avec qui nous avons été en lutte. De même, quelques-uns des pays et régions envahies ont été occupés et administrés par des armées relevant de plusieurs Etats ennemis. Les destructions et les déprédations qui ont résulté de ces opérations, les exactions qui ont été commises pendant l'occupation sont l'œuvre commune des envahisseurs, sans qu’on puisse désigner individuellement les contingents qui s’en sont rendus coupables.

Tel est précisément le cas de mon pays. Après avoir subi au cours de l’année 1914 deux invasions purement autrichiennes, il a été envahi en 1915 par les armées combinées de l'Allemagne, de l’Autriche-Hongrie et de la Bulgarie. Durant les trois années de l'occupation étrangère, nous avons été mis en coupe réglée à la fois par l'Allemand, l’Autrichien et le Bulgare. De même, les derniers combats dont la Serbie a été le théâtre cet automne, avant sa délivrance, ont été livrés aux mêmes adversaires.

_ D'autres pays, la Roumanie par exemple, se sont trouvés dans une situation semblable.

Vous reconnaîtrez sans difficulté qu'il nous sera matériellement impossible de nous retrouver dans ce chaos, et de diviser notre créance entre les Etats dont les troupes ont combattu sur notre sol, et qui, ensuite, ont occupé nos territoires pendant trois ans. Dans la plupart des cas, et sans compter les dommages généraux, nous ne Serons pas en mesure, et pour cause, de désigner les vrais auteurs des dommages dont nous demandons aujourd’hui la réparation.

Des difficultés analogues se présentent souvent dans la vie de tous les jours, et le mieux que nous ayons à faire c'est d'aller chercher la solution de la question qui nous occupe là où elle se trouve, toute prête dans le droit privé.

D'après le droit commun, si un fait dommageable est commis par plusieurs individus, qu’il y ait accord préalable entre eux, qu'il n'y en ait pas eu, ceux-ci seront condamnés solidairement au paiement des dommages-intérêts envers la personne lésée toutes les fois qu’il sera impossible de déterminer la part que chacun d’eux a prise dans la perpétration de l’acte préjudiciable.