Récits des temps révolutionnaires d'après des documents inédits

140 RÉCITS DES TEMPS RÉVOLUTIONNAIRES.

trop souvent affronté la mort pour la redouter, se sentant perdu de réputation, comprenant que son rôle était fini, il n’attachait plus aucun prix à la vie. Nous en trouvons la preuve dans un incident bien significatif. À la veille de son arrestation, il saisit un pistolet, à l’aide duquel il se serait infailliblement délivré du poids des jours, si le marquis de Rivière, qui se trouvait auprès de lui, ne lui eût arraché l'arme des mains.

Si nous voyons, malgré tout, Pichegru multitiplier ses efforts pour se dérober aux recherches de la police, c’est que, plus encore que la mort, il redoutait l’humiliation de paraître en vaincu, et sous le coup d’une accusation déshonorante, devant son ancien compagnon d'armes, devant celui à qui, en d’autres temps, la faveur populaire l'avait opposé comme un rival. Il est des déchéances qu’une âme fière ne se résigne pas à subir, et, quoique bien abaissé, Pichegru n'avait pas abdiqué toute fierté. Son caractère était responsable de ses fautes plus encore que sa volonté.

Un soir qu'il ne savait où reposer sa tête,

il avait trouvé un asile momentané — non pas,