Récits des temps révolutionnaires d'après des documents inédits

: LA MORT DE PICHEGRU. 153

des bruits accusateurs, vagues et confus encore, mais qui, bientôt, devaient se préciser, et à la version du suicide opposer celle de l'assassinat.

Ces rumeurs firent le tour de l’Europe. Louis XVIII en avait l'écho à Varsovie où il residait alors, et d’où, le 22 avril, il écrivait à son frère : « J'apprends dans l'instant la fin tragique du brave et malheureux Pichegru. Si elle a été volontaire, — ce dont il est bien permis de douter, — païen, je l’eusse peut-être admirée; chrétien, elle ajoute encore à mes peines ».

Les propagateurs de la calomnie accumulaient, pour la fortifier, des inventions mensongères, et entre autres celle-ci, basée sur le prétendu témoignage d'un médecin présent à l’autopsie. On avait, disait-on, extrait du poison des viscères du mort; mais ce poison, mis dans un gobelet, avait ensuite disparu; — accusation aussi dépourvue de vraisemblance que de preuves, à laquelle on pouvait objecter que, si l’on avait empoisonné Pichegru, on n’aurait pas eu besoin de l’étrangler ensuite.

Néanmoins, ces inventions forgées à plaisir faisaient leur chemin, prenaient bientôt assez de consistance pour affaiblir l'autorité des dénégations légitimes qu’on y opposait et pour que, plus