Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
1814 — L'ABDICATION 243
lègues, se rendit seul à Paris pour y faire luimême ses affaires.
À leur arrivée à Paris, le prince de la Moskowa, les ducs de Tarente et de Vicence se rendirent chez l’empereur Alexandre. Ce monarque les recut à bras ouverts : tout semblait done faire croire que le règne de Napoléon II allait commencer. Le roi de Rome fut même, pendant deux jours, empereur des Français; les passeports et les actes publics furent intitulés en son nom. Cependant, la nouvelle du retour de Louis XVIII et de la famille des Bourbons prenait de la consistance : l'inquiétude des uns, la joie des autres se manifestaient de toutes parts; tout ce qui tenait à la Révolution et à l'Empereur se montrait timide et craintif, tandis que tout ce qui appartenait à l’ancienne aristocratie levait fièrement la tête.
J'accompagnai, le 5 avril, le maréchal au diner du prince de Talleyrand qui, longtemps en secret et ouvertement depuis plusieurs jours, travaillait à préparer l'opinion au retour des Bourbons. Sur les 6 heures, nous nous rendîmes, le maréchal et moi, à l'hôtel du prince de Bénévent. Des off ciers russes de l'état-major de leur empereur étaient déjà réunis dans le premier salon avec d’autres personnes que je ne connaissais pas. Talleyrand et Alexandre, le duc de Vicence et quelques généraux russes occupaient le second salon, où le maréchal pénétra. Quelques instants après, on annonça le service, et je vis passer les