Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
216 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR
vous étiez dans votre gouvernement, que ne vous retiriez-vous à Besançon? Là, vous auriez attendu les événements. » — « Je ne le pouvais pas, car ainsi j'allumais la guerre civile partout, et il fallait l’éteindre promptement; je ne serai jamais un brandon de discorde. Comment! pour marcher contre Bonaparte, il fallait marcher sur 40 000 cadavres français et je ne pouvais m'y résoudrel » (1) Ces plaintes de ma part, que repoussait le maréchal avec son sentiment patriotique, durèrent quelque temps. Le maréchal, qui voulait me convaincre, ne pouvant y parvenir, me dit enfin : « C’est assez, vous n'êtes plus mon aide de camp. » — « Monsieur le maréchal, lui dis-je, vous ne manquerez pas d'aides de camp. »
Je me retirai alors. Le maréchal appela son chet d'état-major, le baron Passinge, qui partit pour se rendre auprès dell’Empereur. La Genetière, major d'infanterie et sous-chef d'état-major, de la division Bourmont, arrivé le 12 auprès du maréchal, fut nommé chef d'état-major par intérim. Il procura aussitôt cinq à six officiers qui furent dépêchés vers Oudinot, Suchet et les autres maréchaux commandant les troupes. Le maréchal invita tous les généraux et chefs de corps à dîner pour le soir
(1) Il est intéressant de rapprocher cette phrase des réponses que devait faire le maréchal lors de son procès : « J'ai eu tort, maïs j'ai eu peur de la guerre civile. J'aurais marché sur 40 000 cadavres avant d'arriver à Bonaparte... J’ai préféré ma patrie à tout. » (Interrogatoire de Ney. — Procès et dossier de Ney, Arch. de la Guerre). (Note de l'éditeur).