Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1818 — LES CENT JOURS. WATERLOO 303

grondait sur toute l'étendue, sans pourtant que notre armée fit de grands progrès. Nos efforts pour percer la ligne anglaise étaient infructueux. Cependant, la résistance des ennemis semblait faiblir sur plusieurs points.

Sur les 6 heures du soir, arrive auprès du maréchal Ney le général Dejean (1). « Monsieur le maréchal, lui dit-il, vive l'Empereur! Voilà Grouchy! » Le maréchal m'ordonne aussitôt de passer sur toute la ligne et d’annoncer l’arrivée de Grouchy. Prenant le galop, élevant le chapeau au bout de mon sabre et passant devant la ligne : « Vive l'Empereur! m'écrié-je, soldats, voilà Grouchy! » Ce cri soudain est répété par mille voix; l’exaltation des soldats est à son comble: ils s’écrient tous : « En avant! En avant! Vive l'Empereur! »

À peine arrivé à l'extrémité de notre ligne, des coups de canon se font entendre sur nos derrières. Le plus grand silence, l’étonnement, l'inquiétude succèdent à cet enthousiasme. La plaine se couvre de nos équipages et de cette multitude de noncombattants qui suivent toujours l’armée; la canonnade continue et s'approche. Officiers et soldats se mélent, se confondent avec les non-combattants. Je viens, atterré, auprès du maréchal, qui me prescrit d'aller reconnaître la cause de cette

(4) Aide de camp de l'Empereur ainsi que les généraux Drouot et Bertrand, qui furent envoyés à ce moment sur toute la ligne pour donner confiance aux troupes en annonçant l’arrivée de Grouchy. (Note de l’éditeur.)