Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

304 SOUVENIRS D’OCTAVE LEVAVASSEUR

panique. J'arrive auprès du général *** qui me dit : « Voyez! ce sont les Prussiens! » Je retourne chercher le maréchal, que je ne retrouve pas. Notre armée ne formait plus alors qu’une masse informe, où tous les régiments étaient confondus. Dans cet instant fatal, il n’y a plus de commandement, chacun reste interdit en présence d’un danger qu’on ne peut définir. Vient Drouot qui s’écrie : « Où est la Garde? Où est la Garde? » Je la lui montre; il s’en approche en criant : « Formez le carré! » Je vois alors l'Empereur passer près de moi, suivi de ses officiers. Arrivé près de sa Garde, placée en face de lui, de l’autre côté de la route : « Qu'on me suive! » dit-il, et il marche en avant sur le chemin que cent pièces de canon ennemi balayent.

Alors cent cinquante musiciens descendirent en tête de la Garde, en faisant entendre les marches triomphales du Carrousel. Bientôt, la route fut couverte de cette Garde qui marchait par pelotons à La suite de l'Empereur; les boulets et la mitraille qui la foudroyaient laissaient le chemin jonché de tués et de blessés. Encore quelques pas et Napoléon eût été seul en tête. Sans doute, sa première résolution avait été de s’enfermer dans le carré et d’y attendre la mort; la seconde de périr en avançant.

Cependant, au milieu de ce carnage, derrière la route, je vois passer un groupe de chevaux : je crois reconnaître l'Empereur (1). Je cours vers ce

(4) Il était alors plus de 9 heures du soir. (Note de l'éditeur.)