Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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groupe; c'était Napoléon en effet, que la mort avait épargné et qui retournait silencieusement sur ses pas. Il marchaït dans la plaine, à la droite de la chaussée : notre armée désorganisée, dont la tête de colonne fuyait en grand désordre sur Genappe, encombrait la route. Je suivis quelque temps l’'Empereur et son état-major; chacun gardait le plus morne silence. Cependant, songeant que je devais rejoindre le maréchal, je retournai sur mes pas et le cherchai vainement, car c'était alors par derrière qu'était le danger. On m'a rapporté que le maréchal, voyant cette affreuse déroute, était descendu de cheval et s’était arrété un instant sur un rideau. Là, sans doute, il envisagea les malheurs qui allaient fondre de nouveau sur la France ; il pensa peut-être aussi au sort qui l’attendait, car, depuis sa proclamation, il ne vivait plus : il ne désirait que la mort et il faisait tout pour la trouver.

Il était nuit : désespérant de rencontrer mon maréchal, je regagnai la colonne, qui pouvait à peine avancer et que l’ennemi ne poursuivait pas. Quel fut mon étonnement, à mon arrivée à Genappe, de voir cette ville encombrée de voitures, au point qu'il était impossible de passer debout dans les rues; les fantassins étaient obligés de ramper sous les équipages pour se frayer un passage; la cavalerie tournait la ville. Parvenu sur la route, au delà de la place, indigné de ne voir aucun ralliement, je me plaçai en travers, et, tirant mon sabre, je m'écriai : « De par l'Empereur,

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