Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1815 — LES CENT JOURS. WATERLOO 307

nait de partir sans donner d'ordres et tout fuyait précipitamment sur Avesnes, comme si l'ennemi eût été là. Cependant, après avoir encore marché pendant deux lieues, exténué de fatigue, je descends de cheval et, attachant la bride autour de mon bras, je me couche dans un fossé pour y dormir. Je m'éveille..…. on m'a volé mon cheval : la bride seule m'a été laissée. Irrité, je saute debout et, courant sur la route qui mène en France, ie réclame à grands cris mon cheval. Je poursuis ainsi pendant près d’une demi-lieue, et j’aperçois sur ma gauche, dans les blés, du monde occupé avec des chevaux. Je reconnais le mien : alors, tirant mon sabre, je fonds sur les voleurs, qui baissent la tête, tendent le dos, reçoivent mes coups et se sauvent.

Je continue ma route vers Avesnes, dont je vois les portes fermées par ordre des magistrats. Je suis tous les fuyards, laissant la ville à droite, et tout d’une haleine je parviens à Laon. Plus on avançait, plus la terreur était grande. Là, enfin, je retrouve mon chef et le repos! Le maréchal, comme toute l’armée, sentait le malheur qui venait de nous frapper. Il n’y a plus de résistance possible : tout ce qu'on peut obtenir, c’est une capitulation honorable. Les troupes de Grouchy sont encore intactes; Maison commande un corps d’armée qui n'a point été entamé; les restes de Waterloo réunis à Grenappe arrivent bientôt, et toutes ces colonnes battent en retraite vers Paris.