Trois amies de Chateaubriand

PAULINE DE BEAUMONT 103

Plus tard, beaucoup plus tard, Chateaubriand s’attriste à se rappeler maintes femmes qu’il aima et que la mort lui a prises. Il se reproche ses « inégalités », Il ajoute ; « Veillons bien sur notre caractère! Songeons que nous pouvons, avec un attachement profond, n’en pas moins empoisonner des jours que nous rachèterions au prix de tout notre sang... Quand nos amis sont descendus dansla tombe, quel moyen avons-nous de réparer nos torts? Nos inutiles regrets, nos vains repentirs, sont-ils un remède aux peines que nous leur avons faites? Ils auraient mieux aimé de nous un sourire pendant leur vie que toutes nos larmes après leur mort1.» Cest à la mort de la duchesse de Duras qu'il éprouva ces scrupules. Tandis qu’il écrivait cela, le souvenir de Pauline de Beaumont ne lui touchait-il pas le cœur, comme vous caresse et vous surprend un souffle du soir?

Ambassadeur à Londres, en 1822, M. de Chateaubriand se promenait volontiers dans les jardins de Kensington, L'un de ses secrétaires, le comte de Marcellus, Paccompagnait, un jour qu’il allait voir les hirondelles, Au bord de la rivière qui serpente parmi les gazons, sous les beaux ombragés, il s’arrêtait et regardait avec un zèle attendri ces oiseaux légers. Et il récita la jolie chanson grecque : « Voici venir l’hirondelle qui ramène les beaux jours... Ouvrez, ne dédaignez pas l’'hirondelle. » Et puis, l'am-

1: Mémoires d'autre-tombe, tome VI, p. 395: