Trois amies de Chateaubriand

PAULINE DE BEAUMONT 105

lancolique histoire, à laquelle la mort épargna non la tristesse, mais la laideur de la rupture, de la rancune et de l'ennui. C’est une histoire d'amour où celle qui aima est infiniment plus touchante et plus noble que celui qui fut aimé. Celui qui fut aimé aima aussi; mais il cédait au magnifique divertissement de son génie et il songeait à lui, qui était pour lui-même un tel amusement passionné. Elle, au contraire, n’éparpillait pas sa ferveur; elle Pavait toute consacrée au tardif et complet amour de sa palpitante vie. Héroïne charmante d’une difficile tendresse!

Cette jeune femme, dont la destinée fut si courte et si terrible, a eu, dans l’histoire de la société française, et aussi dans l’histoire des idées et des lettres, une influence appréciable, une belle influence. Le salon de la rue Neuve-du-Luxembourg est l’un des premiers qui, après le déchaînement des férocités révolutionnaires, se réorganisèrent et florirent. Il reprenait, à voix plus basse et avec de nouveaux interlocuteurs, la conversation de jadis, la causerie élégante des de Pange, des Trudaine et d'André Chénier, commencée dans la maison de linfortuné Montmorin et puis interrompue tragiquement. Ainsi, la fidèle jeune femme que ses amis appelaient l'Hirondelle, docile aux significations de ce surnom précieux, s'était éloignée durant les mauvais jours et elle était ensuite revenue, quitte à réinstaller sa vie parmi des ruines.

Une telle initiative est mémorable, si elle fut un exemple et si, pour être efficace, elle trouva l’âme