Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 415

meure se sont écroulées et que sœur Sainte-Clotilde est partie, l'âme d’un souvenir est morte, l’âme de l’Abbaye-au-Bois, âme merveilleuse, composée avec harmonie de René, de Juliette et d’une so-

ciété choisie...

Je ne vais pas raconter l’histoire tout entière de Juliette Bernard, Lyonnaise, qui devint Mme Récamier sans l'être et qui mena jusqu’à la postérité que nous sommes le nom quasi-honoraire d’un bénévole époux. Comment, en quelques dizaines de pages, faire tenir le détail nombreux d’une existence qui dura soixante-douze ans? Si de tels résumés étaient réalisables, on n'aurait plus la pa* tience de vivre au jour le jour la somme de ses années,

Et puis, maloré l’effort des érudits, il reste encore beaucoup de mystère dans l'histoire de Juliette.

Elle nous apparaît comme une blanche énigme, qui a son commencement et sa fin dans la tranquillité douce et pieuse de deux couvents, — le couvent de la Déserte où elle fut élevée et lAbbaye-au Bois où s’écoulèrent ses dernières années. Entre ces deux extrémités, il y a une longue et merveilleuse coquetterie, — mais, si l’on peut dire, une coquet terie en blanc, une coquetterie de chatte blanche, délicate, proprette, et qui a peur de se sahir et qui circule à travers les périls, les tentations — les tenta-