Trois amies de Chateaubriand

HORTENSE ALLART 285

Et quelqu'un répliqua :

— Oui, Liev Nicolaïévitch, la vérité est une; mais les opinions sur la vérité sont plusieurs.

Et il y eut aussi, en Judée, un procurateur, de subtile pensée, qui demandait avec mélancolie :

— Qu'est-ce que la vérité?

Mais Hortense Allart n'avait pas le tempérament du scepticisme: elle était plutôt faite pour l'erreur.

Elle écrit, un jour, à Sainte-Beuve une lettre qui n’est pas, jusqu'en son menu détail, intelligible; une lettre où il y a des allusions à des choses que nous ne savons pas; une lettre que j'aime encore mieux à cause de cela, parce qu’on la sent bien faite pour Sainte-Beuve tout seul. Et, ainsi, c’est plus indiscret encore de la lire; mais la voici :« Vous m'avez écrit deux billets très aimables. La fin du premier m’a fait rire, bel infidèle. » Que Sainte-Beuve, tel que nous le connaissons, dut aimer ce « bel infidèle »!.. « Mais votre tort fut plutôt d'être trop fidèle au passé. » Cela, mystère! « Quant au second billet, monsieur le janséniste, je ne vois point de faiblesse ici, mais une vertu admirable, surtout chez vous. _ Estimer les beaux endroits de votre livre dans cette solitude; penser peut-être que l’auteur est encore plus éloquent et plus aimable, quand on s’est réfugiée, et par sagesse et par goût, dans la religion — Ja vraie! » La vraie religion, c’est, en somme, la religion qu’on a. Mais ici, en l'espèce, la vraie religion, c'est, je crois, la religion dite naturelle, une combinaison des plus comiques! Hortense n’était