Trois amies de Chateaubriand

HORTENSE ALLART 301

Quand elle publia son livre le plus connu, Les Enchantements, elle n'eut qu’à choisir, entre tant de noms, celui ou ceux qui lui plairaient le mieux. Elle choisit Les ÆEnchantements de Mme Prudence de Saman l'Esbatx. « Prudence », elle l’inventait. Au baptême, elle avait reçu les prénoms que voici : Hortense, Thérèse, Sigismonde, Sophie, Alexandrine. Mais elle préféra Prudence, qui était bien le prénom qu’elle méritait le moins. Il est vrai qu’alors elie avait soixante-dix ans passés.

En vérité, pourquoi se maria-t-elle? Je ne le sais pas du tout. Elle hésita. Elle avait de la mélancolie à penser qu’elle limitait son existence, Écrivant à Sainte-Beuve, elle exhalait ainsi ses plaintes préventives : « Et vous, mes amants, il faudra vous dire adieu! » Mais oui, Hortense!.. Oui, du moins, ce sera la volonté nette de votre époux, M. de Méritens. |

Peu de temps après son mariage, elle écrivait encore à Sainte-Beuve : « O mes amants, mes aimables amants, amants d’un jour, de dix ans, amants d’imagination, amants de cœur, combien tout cela revient avec charme à la mémoire, quand on vit seule et oppriméel... »

Hortense ne se brouillait pas avec ses anciens amants. Et ainsi, son cœur, dont il faut qu’un moraliste réprouve lextrème encombrement, son cœur était, à ses yeux, charmant : il ressemblait à un. aimable temple où l'autel principal est consacré au dieu nouveau, mais où l’on garde, pour les dieux an-