Trois amies de Chateaubriand

PAULINE DE BEAUMONT 61

simplicité. Nul homme épris ne montra plus de sollicitude; et cela n’est point en contraste avec le peu de familiarité des phrases, car il avait organisé ainsi la diversité de ses sentiments. Du reste, il écrit avec un soin religieux; les mots sont en place et en nombre:ses lettres sont comme des « pensées» plus développées et dont l’occasion n’est point effacée. Pauline de Beaumont s’abandonne davantage; elle est si nerveuse et résiste avec tant de peine aux impulsions de son âme alarmée! Cependant elle se surveille et prend le temps d’écrire.. « Mais moi, je vous ferais pitié, — mande-t-elle à cet ami qu’elle appelle « monsieur »; — j'ai retrouvé ma solitude avec humeur, je m'occupe avec dégoût, je me promène sans plaisir, je rêve sans charme et je ne puis trouver une idée consolante, Je sais bien que cet état ne peut durer longtemps; mais la jeunesse se passe, les ressources s’usent, et il ne reste que des regrets... » Elle est triste infiniment. Elle attend sa destinée ; elle ne se fait pas d’illusion...« Je suis assez bien préparée pour tous les voyages, et celui dont on ne revient pas n’est pas celui que je ferais avec le moins dé plaisn.. » Mais elle a des heures de résignation difficile : « Le moment où je souffre le plus est celui où je sens que, si les circonstances étaient différentes, si telle ou telle chose existait, il y aurait encore du bonheur pour moi, qui en ai le sentiment et le besoin... » Il me semble qu’elle est tout entière

1. Lettre datée de Theïl, août 1797; dans Paut DE RAyNAL, Les correspondants de Joubert, p. 106.

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