Trois amies de Chateaubriand

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et de telles souffrances, ne dit rien. Nous ne savons pas comment il épilogua avec lui-même, comment il installa dans sa pensée les souvenirs, la mélancolie, enfin ce qu’on n’ose pas nommer ici la jalousie, mais une tristesse de ce genre.

Et c’est lui qui, à la demande de Fontanes, avait présenté Chateaubriand à Mme de Beaumont. Elle demeurait depuis peu dans cette petite maison de la rue Neuve-du-Luxembourg où venait une société peu nombreuse et illustre.

Ce salon fut un des premiers qui s’ouvrirent, après la débâcle. Et il s’ouvrit timidement, comme avec peur. Il y venait des gens qui sortaient à peine de prison, qui se tiraient tout récemment de leurs cachettes, qui rentraient de l’émigration, de l'exil, qui redoutaient de nouvelles terreurs, et qui étaient en deuil. La vie, peu à peu, reprenait. Et c’est merveille qu’elle sait repris; mais l'inquiétude y persistait. Le salon de la rue Neuve-du-Luxembourg, peu éclairé, simple, gouverné par une femme douloureuse, eut un charme infini. Les souvenirs y demeuraient. La compagnie était, avec Chateaubriand, avec Joubert et leur ami Fontanes, Chênedollé, Molé, Pasquier, Bonald, Guéneau de Mussy ; et les femmes, Mme de Vintimille, Mme de Lévis, Mme de Pastoret, la duchesse du Duras, Mme Hocquart, Mme de Krüdner et bientôt Mme de Staël.

On se réunissait presque tous les soirs. La causerie