Trois amies de Chateaubriand

72 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

sembler des traits épars, et avec cela il vous fait fondre en larmes et pleure lui-même... » Il pleure Jui-même!... Cela est à signaler, pour les personnes qui ne croient pas facilement à la sincérité de Chateaubriand et qui perdent leur temps à épiloguer là-dessus. C’est le cabotinage de Chateaubriand, qui les empêche? Mais on voit ici comme ce cabotinage est la sincérité même : il ne se contente pas de faire pleurer, il pleure aussi... Un délicat esprit de femme, plus malin que ne le sont les critiques, l’a bien vu. Un délicat esprit de femme aimante trouve cela très bien.

Il pleure lui-même, « sans se douter que son talent soit pour quelque chose dans l'effet qu'il produit et qu'il éprouve... » Et qu’il éprouve! Je vous dis qu’il y va de tout son cœur!...

Cependant, Pauline de Beaumont s’effraye. L’enchanteur travaille trop vite. Il veut que son ouvrage paraisse — nous sommes au mois de septembre 1801 — dès le prochain mois de février. Pauline de Beaumont n’a plus de repos, à être certaine qu’ainsi l’ouvrage conservera trop d'imperfections.. Elle le dit à l’enchanteur. Mais, quand elle le lui dit, il tombe dans l'abattement et dans le désespoir. Je ne crois pas que nulle apologie chrétienne ait jamais été composée dans de telles conditions de cœur et de nerfs.

Pauline de Beaumont se désole. Il lui plairait d’avoir plus de goût — ce n’est pas possible! — et plus d’expérience, et de guider avec plus de sûreté