Trois amies de Chateaubriand

PAULINE DE BEAUMONT 173

son ami. Elle lui Hit la sage lettre de Joubert. Il en est enchanté d’abord; il s’écrie :

— C'est le meilleur, le plus aimable, le plus étonnant des hommes! Oui, je le reconnais bien. Il craint toujours que je ne cite trop!

Puis il se met à rire.

Et Pauline, inquiète, écrit à Joubert . « Il a réellement retranché beaucoup de citations; mais il en a beaucoup ajouté. Ce qui m’effraye surtout, c’est la légèreté avec laquelle il énonce certains jugements, qui demanderaient, pour ne pas effaroucher, à être présentés avec une adresse et une douceur infinies, A cela, il n’y a plus de remède... »

Comme toutes ces objections, et aussi tous ces éloges, sont pénétrants! Quelle adorable et fine femme était cette Pauline de Beaumont, si fervente, si prête à l'admiration, si enthousiaste, si bien réchauffante pour lamoureux génie qui travaillait auprès d’elle, — si judicieuse, en outre!

Donc, par Joubert et par Pauline de Beaumont, Chateaubriand avait, tout près de lui, les conseils qui l'auraient engagé à composer un meilleur livre que ce livre extraordinaire; des conseils qui n’allaient pas à l’encontre de son génie, mais qui tenaient compte de ses vertus, de ses défauts, de ses possibilités, et qui le favorisaient. Seulement, il se dépêchait; et reconnaissons, dans Le Génie du Christianisme, des traces de cette hâte.

Somme toute, il est agréable de Le voir si confiant en lui-même, si autonome, si pressé d'aller de

7