Trois amies de Chateaubriand

88 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

pules.. » Ses scrupules, oui, le goût très vif qu'il avait alors pour Delphine! Il continue : « La fille de M. de Montmorin se mourait. Le climat de l'Italie lui serait, disait-on, favorable. Moi allant à Rome, elle se résoudrait à passer les Alpes : je me sacrifiai à l'espoir de la sauver. »

À vrai dire, il ne se sacrifia pas du tout. Et, se fût-1l sacrifié, il aurait bien dû, en aimant, ne pas s’en apercevoir; ou, s’il s’en était aperçu cependant, il aurait bien dû écarter cette désagréable petite perception; — il aurait bien dû, en tout cas, ne point la noter. Quoi? il aime, — et il sent qu’il se sacrifie à l'être qu'il aime!

Il partit pour Rome au mois de mai 1803; Mme de Beaumont ne partit pour Rome qu'au mois de septembre. Si Chateaubriand n’avait accepté la place de secrétaire de légation que pour le bien de son amie, sans doute celle-ci l'aurait-elle accompagné ou rejoint plus tôt, vraiment.

Quand il se mit en route, je crois qu’il eut queïque chagrin; — je le crois, avec un peu d'application. Dans une lettre qu'il écrivit, de Lyon, le dimanche de la Pentecôte, lendemain de son arrivée, à ses amis Joubert et Chénedollé, il dit : «J'avais fait le brave, en partant; mais je ne fus pas plus tôt seul que je commençai à pleurer. » Mettons qu’il pleura. D'ailleurs, il était sensible et tendre,

Mais il était aussi très curieux et facilement divertir. Sa lettre à Joubert et à Chênedollé est toute pleine du récit de son voyage, et dela description du paysage,