Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits
8 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE
novice, l'emmène à Paris, et tous deux vont se jeter aux genoux de l'actrice et solliciter d'elle Le pardon de leurs odieux soupçons !.
La Beaumesnil, à bout de vertu, pardonna à l’un et à l’autre : l’amoureux officier eut tout lieu de se féliciter de cette absolution, et la Belinaye, sûr à présent de l'attachement de sa maitresse, citait à tout venant ce cas de fidélité, unique alors dans les Annales de l'Opéra.
Cette anecdote n'aurait qu'un assez mince intérêt, si l'un des personnages qu'elle met en scène et qui sera le héros de ce récit ne s’y révélait tel qu'il demeurera au cours de la singulière épopée que nous allons raconter. Armand de la Rouërie restera jusqu’à la fin l’utopiste exalté que nous montre son aventure avec la Beaumesnil : se lançant dans la plus sérieuse entreprise avec une incompréhensible légèreté,emporté d’abord, moins
4. Voici comment Bachaumont raconte cette aventure, à la date du 3 janvier 1771 : « Un jeune officier aux Gardes, nommé M. de la Belinaye de la Roirie, est devenu éperdument épris de Mie Beaumesnil de l'Opéra et l'a enlevée à son oncle, qui l'entretenait. Non content de cet exploit, il a voulu se lier à elle d'un nœud indissoluble et l’épouser. L'actrice s'y est refusée généreusement, en lui faisant sentir l'éclat scandaleux que cet hymen ferait dans le monde, le tort qui en résulterait pour lui, forcé de quitter son emploi et le dégoût qu'il pourrait prendre d'elle ensuite, ce qui les rendrait malheureux l'un et l’autre. Ge discours sévère n'a fait que l’enflammer davantage, et, rien n'ayant pu vaincre son amante, il s’est retiré à la Trappe : aventure qui fait l'objet des conversations du jour. »