Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

110 CHAPITRE TROISIÈME.

tinée à être répandue dans l’île, où les Corses déclaraient se défier des Anglais et des Russes, et solliciter la protection de la cour de Madrid (1).

La guerre se faisant alors sur les Pyrénées, il pouvait sans trop de témérité supposer une invasion heureuse des Espagnols en Roussillon et en Languedoc, et, son imagination l'entraînant plus loin, il voyait déjà les vainqueurs tendant les mains sur les bords de l'Ardèche et du Rhône à ses compatriotes, à la fédération de Jalès reconstituée; comme s’il eût été au lendemain de la victoire, il suggérait au prince de Condé de se faire nommer gouverneur du Languedoc. « C’est là surtout, lui écrivait-il, que vous serez utile pour maintenir la soumission et la paix, pour mettre fin à l’insolente suprématie des barons. » Il n'avait point oublié et il supposait encore possible dans l'ancien régime restauré le rétablissement des États provinciaux, et faisait la guerre à des ombres aussi vivement qu'aux formidables réalités du présent; aussi priait-il sans sourire le « régent » de ne rien statuer prématurément au sujet du Languedoc, afin de ne pas léser les droits de la noblesse.

Nous connaissons quelques-uns des agents qui travaillaient sous sa direction dans cette contrée : Viguier, son ancien homme d'affaires; Boudou, de Toulouse; l'ex-maire d'Arles; Loys de la Chavanne (2). Il eût voulu les réunir sous la main d’un homme placé par ses soins auprès du généralissime espagnol Ricardos, et il avait désigné pour ce dernier poste un ancien officier de

(1) Affaires de Corse en 179%, vingt-cinq lettres ou mémoires. (A. E., France, vol. 631.)

(2) Voir une lettre de ce dernier à d’Antraigues, dans la revue de la Révolution française, t. IX, p. 83. Elle est dite par erreur adressée au comte de la Chapelle.