Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

122 CHAPITRE TROISIÈME,

que les lettrés mêlés aux entreprises des partis. Il leur suffit d'avoir parlé éloquemment des restaurations ou des révolutions dans le passé et dans l'avenir pour croire qu'ils les ont faites ou qu'ils sont capables de les faire.

Au sentiment excessif de sa valeur, d'Antraigues joignait certains défauts, étalés ou mal dissimulés, qui tenaient à sa position et aussi à son caractère, propres par conséquent à discréditer également sa personne el son parti. Dans ses relations quotidiennes, du jour au lendemain, selon l'interlocuteur ou le correspondant auquel il avait affaire, il était indiscret ou réservé à outrance. Il lui fallait être également habile, dans un entretien ou une lettre, à faire valoir ses moyens ou à en déguiser la faiblesse. Par certains côtés, l'homme contrariait en lui le politique. Au milieu des séductions de ses manières et de son langage, il ne pouvait se défendre de faire valoir son crédit, ses petites habiletés, de raconter même comme un trait de génie quelque piège tendu à la crédulité ou à la vanité d'autrui. Il était de ceux qui confondent avec leur complaisance à s'écouter leur désir de convaincre les autres. Enfin, il continuait à se tenir loin des baïonnettes républicaines, et n’exposait point au feu cette croix de Saint-Louis conquise uniquement à la pointe de sa plume sur un roi plus sensible aux phrases bien tournées qu'aux vertus guerrières. L'écrivain, comme l'homme, était facilement vulnérable. Il avait d'abord une tendance à exagérer ses Opinions royalistes, à répliquer aux menaces jacobines par des menaces en sens contraire. En 1795, dans ses Observations sur la conduite des puissances coalisées, il déclarait que le plus grand crime de la Révolution avait été commis, non le 21 janvier 1793 sur la place