Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

128 CHAPITRE TROISIÈME.

moyens en dessous me paraissent plus dégoûtants encore que la Révolution... (1). »

Soit par l'effet de ses défauts, soit par les machinations de ses envieux, il ne garda pas longtemps la confiance. Louis XVIIT estimait ses services économiques , et flattait par de menues attentions ce qu'il appelait sa petite vanité, mais de ce côté il ne s'abandonna jamais. « En répondant à Brotier, disait-il un jour à Flachslanden, il faut accabler d’Antraigues d'éloges, mais ne rien dire de bien positif, car il y a telle circonstance où nous pourrions être bien aises de retirer cette correspondance à nous-mêmes, et il ne faut pas se lier d'avance les mains. »

D'Avaray partageait cette défiance, et survint dès le premier jour pour battre en brèche un rival possible. On sait que ce personnage, ami sincère mais exclusif de Monsieur, n’a jamais supporté qu'un autre, füt-il près comme La Vauguyon, füt-il loin comme Puisaye, eût quelque influence sérieuse sur son maitre. Il chercha d'abord à exiler d’Antraigues à Madrid en qualité de représentant du roi, à la place du duc d'Havré (2). Un peu plus tard, il fit valoir contre lui les lettres à Lemaître surprises et lues à la tribune de la Convention. D’Antraigues était averti de ces menées par Las Casas, qui l'engageait à s’y soustraire et à venir en Angleterre: heureusement il avait l'oreille du probe et loyal baron de Flachslanden, qu'il savait médiocre et inoffensif. D’Avaray, au contraire, qu'il jugeait prétentieux et incapable, et dont il sentait grandir la faveur, lui semblait

(1) D'Antraigues au baron de Flachslanden, 11 février 1796. (4. F., France, vol. 589, {o 25.)

(2) D’Avaray à d’Antraigues, 5 février 179%. (A. F., France, vol. 630, fo 87.)