Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

D’ANTRAIGUES ET SES ENNEMIS. 129

avoir usurpé à son détriment cette place de conseiller tout-puissant et intime qu’il convoitait. Il se soutenait parce qu'on avait besoin de lui, parce qu'à Paris et en Vendée on tenait à ce qu'il fût le canal des communications avec Vérone; mais il était présenté tout bas à son maître comme un serviteur incommode, bon à faire rentrer dans le néant dès qu'on n’en aurait plus besoin. Quand il lui fallut porter devant Louis XVII sa misérable querelle avec l'abbé Dufour, le prince parut l'approuver, puis, secrètement sollicité par d'Avaray, accorda une pension et des éloges au secrétaire renvoyé : « Le roi et moi, écrivait d'Avaray, lui donnons extérieurement toute espèce de raison, mais le jugement à porter serail trop sévère, et dans les circonstances comme celle-ci, où l'on a besoin des grands talents qu'a malheureusement cet homme, tout ce qu'on peut faire est de se prévenir et armer en secret contre les drôles et intrigants (1). »

Flachslanden lui-même, en entendant Froment l’aceuser, gourmandait l’accusateur verbalement et par lettre, puis, dans le tête-à-tête convenait de la vérité de ses propos, et Louis XVIII lui disait: « Vous m'avez rapporté les choses comme vous les avez vues, et je crois que vous avez bien vu. » Saint-Priest se défait aussi de son neveu, et le menaçait de cesser avec lui toute correspondance. Ainsi averti par maint indice, et aussi par des avis précis de Las Casas, du sort qui l’attendait, d'Antraigues se faisait, mais préparait à l'écart ses petits papiers. L'agence Brotier avait mis entre ses mains un dossier de

(1) D'Avaray à Crussol, 8 octobre 1796. (A. F., France, vol. 632, f° 443.) — D'Antraigues à Maury, 10 août 1798. (Ibid... vo!. 59%, ° 358.)