Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

130 CHAPITRE TROISIÈME.

la plus haute importance, trois énormes portefeuilles contenant les papiers de Malesherbes. Ce magistrat, avant de mourir, avait pu confier à une de ses amies,” Mme Blondel, avee mission de les transmettre à d’Antraigues, cerfaines pièces qu'il tenait à conserver à l’histoire, entre autres son plan de défense de Louis XVI. Il s'y trouvait aussi, paraït-il, des lettres attestant que le comte de Provence avait, dans l'intérêt de ses ambitions cachées, desservi, peut-être trahi la cause royale représentée par son frère. On voit d'ici l'avantage que d’Antraigues pouvait en tirer à l’occasion contre ce prince devenu roi. Ce legs d’un ancien ami était une arme propre à servir sa vengeance en cas de disgrâce. Cette arme, il l'a souvent brandie sans jamais en blesser cependant son royal maitre, et on serait tenté de penser qu’elle n'était point aussi redoutable qu’il voulait bien le dire, puisque jusqu'à sa mort, malgré ses menaces répétées de s’en servir, il l’a laissée dans le fourreau.

Il est certain que Louis XVI et ses frères, après 1789, eurent un système différent de politique contre-révolutionnaire, et prétendirent agir chacun à part. On a voulu en conclure que cette divergence était née d’une antipathie personnelle, au moins entre le comte de Provence et le roi. On en est venu à supposer que le premier n'était pas ctranger même à la fin tragique du second. Il est difficile d'ajouter foi à ces allégations : elles ont été surtout répandues par les régicides, désireux d’atténuer leur responsabilité en étendant le nombre de leurs complices, et par les émigrés pour qui le comte de Provence était un dépositaire tant soit peu infidèle de la pure doctrine monarechique. Les premiers ont apporté leurs dénonciations dès l’an VI avec le député Rousseau, et les répétaient durant les Cent-jours dans certaine brochure