Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

MONTGAILLARD (1796). 131

Bonaparte, révèlent par conséquent ses sentiments et ses espérances : « Rappellerez-vous les Bourbons ? lui aurait dit un jour le général autrichien Klénau. — Non jemais », lui futil répondu; et d’autres ajoutèrent : «Il nous faut, si nous avons un prince, une race nouvelle qui nous doive le trône; l’ancienne nous exterminerait (1) »

Mais déjà d’Antraigues était entré contre son gré en relation avec l’homme qui devait se jeter à la traverse de ses desseïins et le compromettre vis-à-vis de tous, amis et ennemis. En mars 1795, il avait reçu une lettre datée de Rheinfelden près Bâle, et signée Montgaillard. L’auteur disait avoir servi le roi jusque-là de son argent et de sa plume, mais être en ce moment découragé et tenté de s'établir à Venise comme précepteur ou bibliothécaire. En réalité, il avait suivi avec succès celte carrière d’espion à double face où il est devenu un des types les plus répugnants de l'époque révolutionnaire. Cet homme, « bossu étincelant d'esprit et d’audace, l'air du diable boiteux et d’un juif portugais (2) », avait rôdé un peu partout, en Angleterre auprès de Pitt, aux Pays-Bas et en Allemagne auprès de Mercy et de Trautmansdorf, à Paris autour des bureaux du Comité de salut public, faisant consister son indépendance dans la succession et la

(1) D’Antraigues à La Vauguyon, 4% mars 1797. (CASE, France, vol. 610.) — Cf. le même au même, 13 octobre 1796. (lbid., vol. 63%.)

Un autre extrait de cette correspondance, plus long et plus curieux, a passé dans une dépèche de Mordvinov à Osterman, du 14/25 mars 1797. (A. M.) On y trouve, racontée avec des détails nouveaux, l’entrevue de Bonaparte à Bologne avec le ministre prussien Lucchesini, qui nous était déjà connue par les Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État.

(2) Micuerer, Histoire du dix-neuvième siècle.